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réponse M. Feuillet a, sur ce nouveau terrain, réédifié ses ruines. — Il avance au préalable que les lettres contestées forment une très faible et très peu importante partie de son vaste recueil. A-t-il toujours été de cet avis? Quant à la quantité, peu importe que la série soit plus nombreuse dans le volume de M. d’Hunolstein; quoi que dise et fasse M. Feuillet, sa cause, — je veux dire, bien entendu, la cause de son recueil, — est fatalement liée à celle de l’autre publication française, tant il est clair que les lettres publiées par M. d’Hunolstein sont des mêmes mains que les siennes, tant il est clair aussi que l’une et l’autre série ont eu mêmes destinées; une vingtaine environ sont d’ailleurs communes, M. d’Hunolstein les donnant d’après ses originaux autographes, et M. Feuillet d’après ses minutes non moins autographes. Quant à l’importance de ces lettres, M. Feuillet est bien ingrat, s’il les dédaigne aujourd’hui. N’est-ce pas là cette fameuse correspondance de la dauphine et de la jeune reine lue d’abord dans quelques sanctuaires privilégiés, et dont la publication, si fort annoncée à l’avance, était hâtée de nos vœux? Livrées à la publicité, n’ont-elles pas ému les cœurs, jusqu’à ce qu’une autre révélation nous arrivât de Vienne pour nous instruire au vrai sur la jeunesse de Marie-Antoinette, et nous permettre de couper court à une mystification dont nos deux éditeurs étaient les premières victimes? Jeter aujourd’hui la pierre à ces lettres tout en persistant à les croire authentiques, ce serait beaucoup rabattre d’un ancien et concevable orgueil.

Il n’y a pas besoin, ce semble, d’une argumentation bien longue pour montrer que M. Feuillet n’a réfuté aucune de nos objections. Sur quoi en effet s’appuie la thèse de l’authenticité? Nous donne-t-on de suffisantes indications de provenance? Non; M. Feuillet continue de se taire sur ce point, et il y a lieu de le regretter. A la vérité, il invoque de graves raisons pour expliquer son silence : un honorable sentiment de discrétion, le respect d’une certaine pudeur devant la publicité, une noble confiance dans les personnes libérales qui lui communiquent leurs trésors. Voilà qui est parfait. Comment arrive-t-il par malheur que, sauf une lettre à Marie-Thérèse et une à Marie-Christine, toute cette double série, offrant une entière identité de ton moral, d’accent littéraire, d’erreurs sur les noms, sur les signatures, sur les formules de politesse, manque également de toute claire indication à cet égard? On a vu le seul renseignement donné à ce sujet par M. d’Hunolstein; M. Feuillet, lui, met au bas de ses lettres à la mère et aux sœurs ces mots : « autographe de mon cabinet, » qui ne nous instruisent pas beaucoup, ou bien il indique comme source, pour un certain nombre de pièces importantes, un certain cahier de lettres dont nous parlerons tout à l’heure, quand lui-même nous y aura amené. Si les préten-