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tant d’ardeur et d’injustice, est authentique; elle est autographe et tirée des papiers de famille des princes de Rosenberg. Personne ne songerait à la contester; mais malheur à elle, si elle se fût avisée de paraître pour la première fois dans les recueils français! On eût crié sur tous les tons à l’apocryphe. Il faudra bien reconnaître maintenant que celle qui l’a écrite n’a pas uniquement l’expression forte et grave; il faudra bien reconnaître que, si en résumé elle montre généralement un genre de style fait de simplicité et de justesse, elle avait aussi dans son âge tendre ses momens risqués de gaîté folâtre et ses étourderies de plume.

Voici la seconde lettre adressée au même personnage, et qui mérite d’être notée au même titre que la première.

« Le 13 juillet 1775.

« ….. Vous aurez peut-être appris l’audience que j’ai donnée au duc de Choiseul à Reims. On en a tant parlé que je ne répondrois pas que le vieux Maurepas n’ait eu peur d’aller se reposer chez lui. Vous croirez aisément que je ne l’ai point vu sans en parler au roi, mais vous ne devinez pas l’adresse que j’ai mise pour ne pas avoir l’air de demander permission. Je lui ai dit que j’avois envie de voir M. de Choiseul et que je n’étois embarrassée que du jour. J’ai si bien fait que le pauvre homme m’a arrangé lui-même l’heure la plus commode où je pourrois le voir. Je crois que j’ai assez usé du droit de femme dans ce moment. »

On a parlé de lettres de caillette; certes je ne me permettrais pas de classer dans cet ordre celle dont on vient de lire un passage et dont le ton général se soutient au même diapason; mais je la renvoie aux adversaires qui nous l’ont eux-mêmes fournie comme argument. En est-il une dans les recueils français si fort incriminés, en est-il d’une telle frivolité d’allure, d’une telle vivacité de ton, sans cependant oublier la précédente où Vulcain et Vénus sont en jeu? Une seule eût suffi pour justifier toutes les autres : en voilà deux. Mais, s’il est possible et probable que Vermond ait mis du sien dans la première, je ne le retrouve plus dans la seconde; il est douteux qu’il eût laissé ces mots : « le pauvre homme. »

Alors, sur cette façon étrange de ménager une audience à un ministre disgracié, et sur le langage un peu leste qu’elle a tenu à l’endroit de son « pauvre homme » de mari, Joseph II, qui a eu communication de la lettre écrite à son favori, se fâche et admoneste vertement « la petite reine de vingt ans. »

L’impératrice-mère n’a pas fini ses remontrances que déjà l’empereur, son fils, plein de zèle, et, il faut le dire, de raison sévère, rude, brutale même, mais affectueuse, a taillé sa plume, pour faire