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duisit avec sa plume métamorphosée. Tous tant que nous sommes, nous avions pas le change. J’ai réussi à fournir des élémens de conviction sur ce point, et je m’en applaudis.

Marie-Antoinette, à l’exemple de presque tous les rois et de quelques reines de France, avait son secrétaire de la main. Tout le monde sait de reste quelle était la fonction spéciale de cet officier de maison souveraine, imitateur confidentiel, contrefacteur autorisé, si l’on peut associer de pareils mots. Ainsi Henri IV eut le fameux religionnaire Du Pin, qui reproduisait, à s’y méprendre, son mouvement de plume et jusqu’à son orthographe et ses fautes. L’homme distingué qui a le plus étudié Catherine de Médicis est à peu près en mesure d’affirmer que cette défiante princesse n’a point eu de secrétaire de la main; mais sa longue familiarité avec le XVIe siècle le porterait volontiers à croire le contraire de Jeanne d’Albret, attendu qu’il a maintes fois rencontré des lettres authentiques d’elle qui, à première vue, semblaient être de sa propre main, et dans lesquelles, avec plus d’attention, il avait vu se trahir une imitation habile. Des lettres, même assez familières, de Marie de Médicis à sa sœur Éléonore, duchesse de Mantoue, femme de Vincent Ier de Gonzague, et qui se voient aux archives de Mantoue et de Florence, attestent que Paul Phélyppeaux de Pontchartrain, frère de Phélyppeaux d’Herbaut, avait la délégation de la main de cette princesse. La reine Anne avait aussi son secrétaire intime de la main, dont je n’ai pas encore retrouvé le nom. Louis XIII eut d’abord Beaugrand, son ancien maître, qui lui avait enseigné l’écriture depuis les premiers élémens jusqu’à lui tracer au crayon des épîtres que le jeune dauphin repassait à la plume. Louis XIV eut deux secrétaires de la main qui affectaient le laisser-aller du roi, et dont le premier, de beaucoup le plus habile, fut le président Rose, si connu à cause du témoignage de Saint-Simon. Louis XV avait, au département des affaires étrangères, un calligraphe auquel il avait délégué sa main pour ses lettres autographes aux souverains étrangers. Louis XVI, qui aimait à écrire, n’a jamais eu que je sache de secrétaire de la main; mais Marie-Antoinette, harcelée à cause de sa mauvaise écriture et pressée ensuite par le temps, alors qu’elle se fut mêlée d’affaires, eut le sien nommé Dessales, qui, pour cette fonction, se tenait dans l’ombre comme ces sortes d’officiers intimes, et par la suite devint en même temps, je crois, professeur des pages. Le rôle de cette plume est manifeste pour des lettres des premiers temps, authentiques et revêtues de cachets; il l’est également pour quelques-uns de ces doubles qu’en dépit des périls du transport la reine expédiait par de courageux affidés. Y a-t-il quelque part un danger à courir, soyez assuré qu’il se trouvera vingt dévouemens pour un prêts à l’affronter. Les noms de ces généreux