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tité graphique absolue, ce ne serait pas une raison pour qu’elles ne fussent point authentiques; on en verra plus bas le motif.

Dans tous les cas, animé du désir de pousser à ce sujet l’enquête aussi loin que possible, j’ai voulu m’éclairer des lumières des hommes du métier les plus compétens. Et d’abord un fait évident, indiscutable, c’est que Marie-Antoinette, à partir de l’année 1774, avait une écriture fixée, qui se soutint constamment la même jusqu’à sa mort. La preuve en est, pour nous appuyer uniquement sur les documens viennois, que les caractères du fac simile d’une lettre du 17 décembre 1774 fourni par M. d’Arneth sont identiquement les mêmes que ceux des derniers billets écrits par cette princesse dans la prison du Temple au courageux baron de Jarjayes, qu’ils sont les mêmes que ceux de sa dernière lettre à Mme Elisabeth, testament écrit en 1793, tout près de l’échafaud.

Que tantôt, dans l’intervalle, l’écriture ait été plus serrée ou plus lâche, tantôt plus penchée ou plus droite, plus grosse ou plus fine dans telle ou telle circonstance, peu importe (exemple : les fac simile de février, du 17 décembre 1774, de février 1775 et d’avril 77, — recueil Arneth). La différence de plume, la variété des impressions morales et physiques sous lesquelles on écrit changent le mouvement et les effets de main, comme disent les experts; mais, après tout, le fond de l’écriture reste le même, et là est la question entière : base typique, en dehors de laquelle la discussion ne serait que vaine et puérile. L’examen ne devait donc porter que sur les lettres des quatre premières années.

Or nous avions en présence deux écritures différentes, antithétiques : celle de 1770 à 1774, fournie par les documens de Vienne, et celle de 74 à 93, qui est partout. Quelle était la vraie? quelle était la supposée, s’il y avait supposition? Étaient-elles authentiques toutes les deux aux époques correspondantes, bien que l’une d’elles dût ne pas être essentiellement autographe? Remontons d’abord à l’éducation qu’avait reçue Marie-Antoinette avant d’arriver en France, et suivons-la à Versailles.

Quand l’abbé de Vermond, qui avait un si grand intérêt à ramener une dauphine accomplie, était arrivé à Vienne auprès de la jeune archiduchesse, il s’était tout d’abord employé à connaître la tournure d’esprit de son élève et le degré d’instruction où elle était parvenue. Il avait reconnu que la comtesse de Brandis, à qui avait été confiée son enfance, cette femme excellente qui l’aimait beaucoup, l’avait fort gâtée et ne l’avait gênée pour aucune espèce d’obligation. Dans une lettre du 21 janvier 1769 au comte de Mercy, l’abbé écrivait de Vienne que l’on ne pouvait guère dater l’instruction de la princesse que depuis environ neuf mois qu’elle était