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tout à coup, sans transition, en d’autres collections privées, et enfin aboutir à la mienne. Comment ont circulé les papiers recueillis par l’abbé de Vermond? Comment le testament de Louis XVI, cette sainte relique, titre de famille pour la France, et dont l’armoire de fer, aux Archives générales de l’état, conserve religieusement le double, était-il allé s’égarer en Hongrie, où je l’ai découvert ou plutôt exhumé? Les lettres originales de Marie-Antoinette, absentes de la bibliothèque particulière de l’empereur d’Autriche et que M. d’Arneth a publiées sur des copies; que sont-elles devenues? Une seule est arrivée dans ma collection; il faut bien que les autres soient quelque part. Je ne doute pas qu’elles ne se retrouvent un jour, si déjà elles ne sont dans quelque cabinet de curieux; mais par quelles obscures coulisses auront-elles passé? Je crains fort que ce ne soit toujours un mystère. S’agit-il d’un tableau de maître, l’histoire de l’art en suit la trace de cabinet en cabinet, et le prix considérable qu’on le paie en marque les étapes dans les catalogues; mais les pérégrinations d’aussi subtils documens que les autographes sont trop fugitives pour que le plus souvent le marchand ne les ignore pas lui-même. Et d’ailleurs, connût-il la généalogie de sa marchandise, il ne révélerait jamais ses sources et garderait soigneusement pour lui ses secrets de métier, par peur de la concurrence. Demandez donc à un libraire le nom à inscrire sur le catalogue d’une bibliothèque anonyme ou pseudonyme ! A coup sûr il le refusera. Les curieux font des questions sur des noms qu’il serait plus qu’indiscret de révéler. Tel personnage vous ouvrira son cabinet ou son cartulaire, qui mettra pour condition de n’être point nommé, soit pudeur de la publicité, soit désir de s’épargner l’importunité des demandes. Tel a été le cas pour un petit nombre de pièces de mon recueil, que j’ai copiées du reste sur les originaux. Ailleurs de beaux documens proviendront d’une famille insouciante ou pauvre qui vend ses papiers, — et l’exemple n’est pas très rare, — le secret du nom n’est pas notre secret.

J’ai eu le soin d’indiquer en tête de chaque lettre la source où je l’ai puisée. Que pouvais-je faire de mieux? Les quatre-vingt-quinze centièmes des pièces que j’imprime ont été tirées des archives officielles de Vienne, de Moscou, de Stockholm, de Darmstadt, de Paris. Le riche cartulaire de Mgr l’archiduc Albert d’Autriche m’a fourni des trésors. Les nobles familles de Gramont, de Fitz James, de Polignac, de Bouille, d’Amelot de Chaillou, m’ont communiqué avec bienveillance ce qu’elles conservent de Louis XVI et de notre infortunée reine. En outre les lettres de Mme Elisabeth faisant partie des papiers de famille des marquis de Raigecourt, de Castéja et de Soran ont passé en totalité dans mon recueil; ce sont là tous docu-