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M. Geffroy s’en prend encore à deux lettres de Louis XVI, adressées, en 1775, l’une à Turgot, l’autre à Malesherbes. L’exemplaire de premier tirage qu’il possède de mon premier volume donne l’épithète de mon cher à l’un et à l’autre de ces ministres, et le critique fait observer qu’au second tirage il n’y a plus mon cher Turgot, mon cher Malesherbes, mais monsieur Turgot, monsieur Malesherbes. Après ce que j’avais dit dans mon introduction sur les formes de langage, dignes et jamais familières, de Louis XVI à l’égard de ses ministres, au début de son règne, il sautait aux yeux que ce ne pouvait être là qu’une faute de copiste et d’impression. Une étrange préoccupation pouvait y voir autre chose. En effet, même nombre de caractères, mauvaise lecture, faute typographique qui a échappé dans la hâte de l’achèvement du premier volume. L’interprétation était bien simple à donner, mais on s’est gardé de l’adopter pour voir en ces coquilles un noir mystère. A la lecture de cette observation, je consultai sur-le-champ mon exemplaire de premier tirage : les coquilles n’y étaient pas. Il me fallut recourir à mon imprimeur-éditeur, qui me rappela ce que, grâce à Dieu, j’avais oublié depuis trois ans, que pour réparer cette erreur, tardivement remarquée, on avait imprimé deux cartons, lesquels très probablement doivent, soit à la rapidité du brochage, soit surtout à la négligence des gens d’atelier de n’avoir pas figuré dans tous les exemplaires, surtout les premiers vendus. Qui a imprimé connaît ce genre de mécomptes.


II.

Un point surtout se dresse comme un épouvantail, c’est la question de la provenance des pièces, c’est la prétendue impossibilité que les lettres écrites par une même personne à des correspondans divers, aillent se grouper, même après quatre-vingts ou quatre-vingt-dix ans de date, en un même cabinet. Examinons.

Qu’y a-t-il de surprenant, demanderons-nous d’abord, à ce que des autographes, aujourd’hui que ce genre de curiosités est devenu un objet de commerce et s’en va de tous les points du globe converger vers deux ou trois villes, Londres, Leipzig, et avant tout Paris, qu’y a-t-il de surprenant à ce que les documens se pressent en un centre commun, dans les mains d’un même curieux? Les dons, les révolutions, les invasions, les négligences, les infidélités ont disséminé les cartulaires privés de même que les archives d’état de tous les pays. De là ces myriades de documens historiques qui défraient les ventes publiques et les ventes à l’amiable. Je possède neuf cents lettres de la marquise de Maintenon, adressées à trente correspondans différens; j’en ai quinze cents de