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LA GUERRE EN 1866.

gènes, ajoute le correspondant du Times, à qui nous empruntons ces détails, se frappent la poitrine, s’arrachent les cheveux, maudissant les Anglais qui les ont induits à croire à l’efficacité des lignes ferrées. Ils regrettent, non sans motif, le bon vieux temps où les transports se faisaient d’une façon plus lente, mais plus sûre, avec les classiques attelages de bœufs. » Il est résulté de cette situation un système de concussion régulier ; les chefs de station, dont le salaire annuel est de 100 livres sterling, font fortune. Ils expédient de préférence les marchandises de celui qui offre le plus gros cadeau. Du reste nous en avons vu autant en Égypte il y a quelques mois. Voilà donc où en étaient les chemins de fer indiens au mois de mars 1866. Ils ne pouvaient suffire aux besoins du service, ils soulevaient une « universelle clameur, » et les négocians indiens se désolaient d’avoir eu foi dans ce mode de transport, si économique et si rapide au dire des Européens. N’eût-il pas mieux valu créer moins de lignes, les établir avec moins de hâte, les construire avec plus de solidité et une meilleure entente ?

Rien de tout cela pourtant n’est irréparable. Le service des chemins de fer ira s’améliorant sans aucun doute. Avoir trop de matières à transporter, c’est là pour une compagnie un mal qui n’a rien de désespérant et dont beaucoup de compagnies européennes voudraient se voir affligées. On a fait fausse route, il est vrai, dans le choix de l’espèce de coton qu’il était opportun de cultiver ; mais on sait en quoi et pourquoi l’on s’est trompé : ce n’est donc qu’une perte de temps, et il y a lieu d’espérer qu’on se livrera désormais à des tentatives plus heureuses. À cet égard, voici quelle serait, selon nous, la meilleure voie à suivre. Il faudrait, d’un côté, s’appliquer à améliorer les espèces indigènes par des soins intelligens et un ginage scrupuleux ; d’un autre côté, importer des espèces déjà accoutumées aux irrigations artificielles et aux vastes plaines, le mako par exemple, le brésil, les cotons de la côte occidentale d’Afrique. Si ces cotons, dont la fibre est longue et fine, ne pouvaient être utilisés sur les métiers communément adoptés, il n’y aurait pas trop à s’en effrayer ; l’industrie européenne ne reculerait pas devant la dépense de nouveaux métiers appropriés à ces qualités nouvelles, si elles se présentaient sur le marché en abondance, et si les fabricans pouvaient, en toute sécurité, compter sur des approvisionnemens réguliers. Il est évident que l’Inde est, depuis l’abolition de l’esclavage, le coin du globe où la terre et la main-d’œuvre sont le meilleur marché. Elle peut affecter à la culture du coton une superficie trois fois plus considérable que celle qu’y consacraient les états du sud aux États-Unis ; elle possède une population agricole au moins aussi intelligente, et ce n’est pas beaucoup dire, que les