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taires, se trouvent placées dans une situation d’infériorité en présence des pays plus avancés, mieux organisés et plus instruits. La Turquie a pu, dans un moment de cherté excessive, obtenir des résultats brillans ; elle n’avait à lutter alors qu’avec des pays placés dans les mêmes conditions qu’elle. Quand les États-Unis seront rentrés en lice, elle sera distancée, car son coton coûtera trop cher et sera inférieur. D’abord la cueillette est pratiquée d’une manière défectueuse, qui nuit à la qualité de la fibre et produit un déchet sensible : au lieu d’enlever le coton qui pend aux noix mûres et ouvertes, le paysan coupe les fruits et les entasse dans un sac. Beaucoup des fruits ainsi enlevés ne sont pas tout à fait mûrs ; le paysan est d’autant moins difficile à cet égard qu’il trouve plus simple de bien remplir son sac et de revenir moins souvent faire la cueillette. Les noix ainsi récoltées sont portées au village et jetées dans un coin sans autre précaution. Elles sont toujours humides, il en résulte un commencement de fermentation qui noircit et détériore la fibre. Arrive le marchand, une sorte de marchand ambulant qui court les villages avec ses chameaux et ses mulets. Il examine le lot, établit le prix d’après la blancheur, la propreté, la maturité du coton, et le transporte à un établissement central où se fait tardivement l’opération la plus essentielle, la véritable cueillette. Les fruits bien ouverts et bien mûrs sont dépouillés à la main de leur houppe soyeuse. Les autres vont au soleil ou aux fours, sont ensuite ouverts de force avec les doigts pour qu’on puisse en arracher le coton ; mais ce coton est court, laineux, sans consistance, le classificateur le reconnaît vite dans la masse, et il taxe à un prix inférieur tout le lot auquel il est mêlé.

La cueillette doit se faire tous les jours, dès que la rosée s’est évaporée sous les rayons du soleil ; elle doit être faite à la main et sans arracher le fruit. Dans les pays qui cultivent bien, des enfans sont généralement employés à ce travail facile et peu rétribué ; ils arrachent le coton, qui se présente en flocons sur les fruits ouverts et béans. À ce moment, la fibre est à point ; il n’y a d’autre précaution à prendre que de la préserver de l’humidité jusqu’au jour où on la dirigera sur la filature. Telle est la méthode constamment employée aux États-Unis et adoptée dès le principe en l’Egypte. Quand on vend son coton en coques, comme le font les Turcs, on vend du coton inférieur, on le vend moins cher et on se prive volontairement du bénéfice que peuvent procurer les graines, cotées à Londres 200 fr. le tonneau. Ces graines donnent de l’huile à brûler, et après qu’on les a pressées pour en extraire cette huile, le résidu peut servir encore à faire des tourteaux dont le bétail se montre friand. Il faudrait donc amener la Turquie à cultiver avec plus de