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LA GUERRE EN 1866.

struction ou bien par une méprise dans le choix qui a été fait de la qualité du métal employé. Les bruits qui courent à ce sujet sont sans doute exagérés, mais ils émanent de telles sources qu’il est impossible de ne pas leur attribuer quelque fondement. Quoi qu’il en soit, et même en mettant à part cette question de la sécurité des servans, qui a certes une grande importance, nous pouvons dire qu’en France du moins les autorités les plus compétentes regardent la pièce autrichienne, qui se charge par la bouche, comme devant fournir un meilleur service, plus sûr, plus simple, plus facile, plus militaire enfin que la pièce prussienne à projectile forcé et à chargement par la culasse.

Nous n’avons pas à parler de l’armement des Italiens, car nous leur avions donné nos armes. C’est avec nos canons et nos fusils qu’ils ont figuré à Custozza, et ils y ont fait bonne figure. La jeune armée qui a reçu le baptême du feu dans cette sanglante bataille en est sortie à son honneur. Sans doute elle n’a pas eu la victoire pour elle ; qui oserait cependant prétendre que dans les mêmes conditions toute autre eût mieux réussi ? La position des Autrichiens enfermés dans leur quadrilatère comportait de tels avantages qu’il eût fallu presque un miracle pour obtenir un succès dès la première rencontre ; néanmoins il ne faut pas blâmer le gouvernement du roi Victor-Emmanuel et ses généraux d’avoir affronté cette rencontre. En l’état moral de la cause, ils n’étaient pas libres de ne point aller chercher les Autrichiens dans leur fort ; s’ils n’y fussent allés, il n’y aurait point eu assez de sarcasmes pour leur reprocher une pusillanimité dont le simple soupçon est cent fois plus désastreux pour une armée qu’une bataille honorablement perdue. Cette nécessité était surtout imposée à une jeune armée qui n’avait pas encore eu l’occasion de faire ses preuves, et qui savait que sa valeur était contestée par une malveillance active. L’épreuve a été rude, mais les troupes qui l’ont subie n’ont pas à la regretter, car elles ont su y conquérir leurs titres à la considération de l’Europe politique et militaire.


IV.

Il serait téméraire de porter dès aujourd’hui un jugement d’ensemble sur tous les événemens de cette courte et sanglante campagne ; cependant le peu que nous ont encore appris les dépêches télégraphiques et les rares bulletins qui ont été publiés suffit déjà pour confirmer de la manière la plus éclatante quelques idées générales qui ne sont pas toutes nouvelles, mais qui ressortent de la situation avec une force plus grande que jamais.

Les longues guerres sont devenues presque impossibles en Eu-