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rayures, etc., elle ressemble de si près à la pièce française, que l’on peut la regarder comme une inspiration assez directe de la nôtre. Le trait essentiel par lequel elle en diffère, c’est le projectile, qui est cependant du même poids et du même calibre, mais qui est construit de façon à réduire autant qu’il est possible le vent que nous accordons au nôtre. C’est toujours la même idée qui revient, quoiqu’il faille reconnaître que, dans l’application, les Autrichiens ont donné au problème une solution qui est particulière à leur artillerie. Leur boulet est revêtu d’une chemise de zinc et d’étain que l’on pourrait qualifier d’ailette continue, destinée qu’elle est à s’emboîter aussi exactement qu’il est possible dans les rayures, à réduire le vent au minimum, et surtout à centrer le projectile, à faire en sorte que son axe se confonde avec l’axe de l’âme de la pièce. Cette dernière condition est importante pour la justesse du tir ; mais de tous les moyens de l’obtenir, est-ce le meilleur que les Autrichiens ont choisi ? Les Anglais, qui, les premiers avec sir W. Armstrong, avaient construit des projectiles sur des données semblables, les ont abandonnés avec le temps, qui a révélé dans la pratique des inconvéniens sur lesquels la théorie n’avait pas compté, ou, pour mieux dire, sans lesquels elle avait compté. La soudure des trois métaux, qui, ayant à résister au choc violent des gaz, a besoin d’être très solide, est une opération qui ne se fait pas toujours d’une manière suffisamment sûre dans les ateliers des arsenaux, et ensuite la juxtaposition de métaux différens produit des actions chimiques qui, au bout d’assez peu de temps, les désagrègent, détruisent la régularité des calibres, modifient les conditions en vue desquelles les projectiles avaient d’abord été fabriqués. Ce n’est pas tout. La chemise de zinc ou de plomb se déchire souvent irrégulièrement dans l’âme de la pièce, et alors la justesse du tir en est très compromise ; d’autres fois la chemise s’arrache, et les morceaux se transforment en une sorte de mitraille à faible portée qui rend dangereux les alentours de la pièce. En Chine, les Anglais employant des projectiles de ce genre, et voulant tirer par-dessus leurs lignes, comme nous le faisons impunément avec nos canons, blessèrent bon nombre de leurs propres tirailleurs. Le fait, qui fut contesté d’abord, a depuis été authentiquement constaté. Enfin ces chemises de zinc ou de plomb, étant ainsi forcées dans les rayures, y laissent des couches de métal qu’il faut fréquemment gratter, qui rendent le lavage de la pièce souvent nécessaire, toutes circonstances qui contribuent à l’usure du canon, et qui peuvent nuire grandement à l’a rapidité du tir.

Ces observations s’appliquent avec plus de force encore à l’artillerie prussienne, qui de plus, dit-on, a déjà fourni des cas d’éclatement assez nombreux, — qu’ils fussent causés par un vice de con-