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à la culasse que se trouvent les points faibles de la pièce, et de plus, si ne se faisant pas juge de la question, on s’en rapporte aux avis incessamment répétés par le prôneur du système, le capitaine Roerdantz, de n’employer pour le service de cette pièce que des hommes aguerris, prudens, attentifs, adroits, on est autorisé à conclure que la manœuvre de cet appareil est toujours une chose délicate et compliquée. Le capitaine Roerdantz raille quelque peu nos officiers de la passion, exagérée, selon lui, de la simplicité qui les a poussés à sacrifier, il le croit, la puissance des effets pour obtenir la plus grande facilité de manœuvre. S’il y avait une polémique à soutenir sur ce point, combien il serait aisé de prétendre que cet amour de la simplification, qui paraît excessif à une imagination germanique, est une qualité militaire des plus précieuses, et qui a déjà produit à notre avantage de très grands résultats ! Au lieu d’avoir besoin de chercher pour le service de nos pièces des canonniers comme ceux que demande le capitaine Roerdantz, et que l’on ne trouve presque pas, nous avons pu remplacer sur le champ de bataille même, et tout à fait à l’improviste, le canon lisse par le canon rayé, sans que jamais ni officiers ni soldats aient hésité sur la manière de s’en servir ; c’est un tour de force comme on n’en avait point encore vu, et que l’on ne renouvellerait sans doute pas avec le canon Krainer. Ne serions-nous point en droit d’ajouter que notre canon rayé, étant le premier de son espèce qui ait été employé dans une armée, est cependant le seul qui, depuis le premier jour de son apparition, soit resté tel qu’il avait été d’abord conçu, si bien que, dans le cas où il faudrait reprendre les armes, nous reparaîtrions encore sur le champ de bataille avec les canons de Solferino ? Tandis que tous les autres venus après nous ont dû changer et rechanger sans cesse tous leurs modèles, le nôtre est resté le même malgré le nombre des diversités au milieu desquelles nous pouvions choisir, — que nous n’avons pas été assez aveugles pour ne pas expérimenter, mais qui toutes ont produit, comme ensemble de qualités, des résultats inférieurs à ceux que nous avions obtenus de notre petite pièce, si légère, si simple, si facile à manœuvrer, si régulière et si sûre dans son action, si bien appropriée aux vicissitudes de la campagne et du combat.

S’il en est ainsi, on se demandera sans doute pourquoi ceux qui sont venus après nous n’ont pas profité davantage de notre exemple, et pourquoi surtout ils ont presque tous recherché pour leurs pièces de campagne le chargement par la culasse, — que nous n’avons encore voulu appliquer qu’aux grosses pièces, et seulement en vue d’obtenir une plus grande facilité de manœuvre. La réponse n’est pas difficile à faire. D’abord une armée n’aime pas en général à copier trop exactement ce que fait sa voisine ; il y a les mœurs,