Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 64.djvu/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
331
LA GUERRE EN 1866.

imprévue, mais aussi de porter à un moment choisi des masses écrasantes sur un point donné de la circonférence. Par contre, les ennemis de l’Autriche ne pouvaient diriger contre elle que des efforts en quelque sorte divergens. Pour tenir dès le début l’alliance autrichienne dans une position compromettante, il eût fallu que les deux parties de l’alliance italo-prussienne pussent se donner la main, et surtout disposer d’une supériorité numérique très considérable. Or, comme nous venons de le voir, tel n’était pas le cas. C’était donc un véritable avantage que d’avoir à opérer en tenant toutes ses ressources sous la main, sur un territoire bien compacte et bien protégé par la nature, couvert à l’est par la Russie et par la Turquie, à l’ouest par la France et par la Suisse, au midi par les Alpes et par le fameux quadrilatère, au nord par cette chaîne de montagnes qui, partant de la Bavière, dessine la frontière de Bohême, sépare la Silésie prussienne de la Silésie autrichienne, et va finir en Hongrie sous le nom de monts Carpathes, affectant dans son parcours la forme de ces arcs qui, dans les tableaux mythologiques ou dans les statues de l’antiquité, sont donnés pour armes à l’Amour ou à l’Apollon pythien. La poignée, le rentrant de cet arc, qui semble dirigé vers le nord, indique précisément la frontière des deux Silésies et le point qui vient d’être le théâtre de la guerre.

Pourquoi l’armée autrichienne du nord, qui devait ou qui aurait dû être pour le moins égale en nombre aux deux armées du prince Frédéric-Charles et du prince royal de Prusse, a-t-elle laissé envahir la Saxe, un pays allié et contigu à son propre territoire ? Pourquoi n’a-t-elle pas disputé aux Prussiens ces plaines où depuis tant de siècles s’était toujours décidé le sort de l’Allemagne, où la supériorité incontestable de sa cavalerie et la supériorité probable de son artillerie auraient réservé à l’armée autrichienne de précieux avantages ? Comment a-t-elle été réduite à ne faire qu’une guerre défensive, et, s’il s’agissait seulement pour elle d’une guerre défensive, pourquoi n’a-t-elle pas défendu les passes des montagnes par lesquelles l’armée prussienne est descendue en Bohême ? C’est cependant la disposition de terrain la plus favorable à une armée qui garde la défensive. Faut-il répondre à toutes ces questions et à d’autres encore en accusant l’incurie de la cour de Vienne et cette lenteur proverbiale des Autrichiens que raille la chanson si connue en Allemagne : Langsam, nur langsam, voran, « lentement, seulement lentement, en avant ? » Il est difficile de prendre un parti dans un sujet aussi délicat ; il nous semble plus équitable, sans accuser personne, de faire ressortir la très remarquable activité des Prussiens et l’habileté avec laquelle, usant des moyens de trans-