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LA GUERRE EN 1866.

impopulaires par eux-mêmes, ne peuvent invoquer pour raison de leur existence que l’histoire et les traités. C’est sans doute une raison respectable, mais qui ne suffit pas toujours aux peuples. Malgré le goût qui entraîne naturellement d’es populations d’origine germanique et de religion protestante à s’assurer toujours une certaine dose de self-government, ou, pour employer une expression allemande, d’autonomie particulariste, il n’en est pas moins vrai que, depuis un demi-siècle et principalement depuis vingt ans, il s’est développé en Allemagne des aspirations très sincères et très sérieuses pour la constitution d’une unité plus réelle que celle qui était sortie des traités de 1815, lesquels cependant avaient réduit à trente-quatre, en y comprenant les villes libres, le nombre des souverainetés, au lieu des trois cents et plus qui existaient en 1805, avant la paix de Presbourg. Enviant noblement pour leur pays la puissance que l’unité donnait à leurs voisins de l’est ou de l’ouest, humiliés de l’inertie à laquelle ses divisions politiques réduisaient en mainte occurrence la confédération germanique, craignant peut-être aussi le retour de ces crises où l’on avait vu trop souvent dans le passé les intrigues des maisons princières appeler l’étranger sur le territoire allemand, beaucoup de bons citoyens et de patriotes respectables se mirent à désirer l’a fondation de plusieurs ou même d’un seul grand état qu’il fût désormais impossible de séparer des intérêts généraux de l’Allemagne, qui tirerait le pays du chaos où le retenaient tant d’organisations particulières, et qui, dans les conseils de l’Europe, assurerait à l’Allemagne une place plus digne d’elle : vœux patriotiques, mais qui allaient directement à l’encontre des intérêts des princes, car la conséquence première de la réalisation de ces vœux devait être la suppression d’une foule de principautés allemandes. De là des luttes que beaucoup de circonstances concomitantes ont aggravées, et qui font qu’aujourd’hui beaucoup de trônes en Allemagne, surtout des petits, sont minés et vont peut-être s’écrouler en partie sous les coups de M. de Bismark et de son parlement élu par le suffrage universel.

Nous ne savons si ce parlement parviendra à fonder quelque chose, mais on peut tenir pour certain que, si jamais il se réunit, il fera œuvre révolutionnaire, et qu’il changera la condition de la plupart des princes, comme le voulait faire en 1848 le parlement de Francfort, lorsqu’il offrit au roi Frédéric-Guillaume de Prusse la couronne de l’empire germanique. Nous rappelons ce précédent avec intention, parce qu’il doit éclairer pour nous le présent et l’avenir, parce qu’il nous fait voir quelles sont depuis longtemps déjà les tendances de tous ceux qui, dans l’Allemagne, au nord du Mein, rêvent un changement de la constitution politique. On ne saurait