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l’ennemi. C’est la proportion de trois contre un qu’il faut pour le moins compter à l’avantage du fusil prussien, c’est-à-dire que, sur un espace donné et sur un front égal pour les deux adversaires, les Prussiens entretenaient une grêle de balles au moins triple en épaisseur de celle qu’ils pouvaient recevoir eux-mêmes, et concentraient des feux dont l’extrême vivacité semble avoir en toute occasion triomphé du courage et de la solidité de l’armée autrichienne.

Dans l’ensemble de cette si courte campagne, l’armée autrichienne s’est laissé vaincre par la rapidité des mouvemens de son adversaire, et sur le champ de bataille elle a été vaincue par la rapidité du tir du fusil à aiguille. C’est ce que nous essaierons de prouver.


I.

Au moment où s’ouvrait la campagne, où devait croire que la supériorité numérique, de quelque manière qu’on voulût l’entendre, appartenait à l’Autriche et à ses alliés. Si l’on prend d’abord le chiffre des populations engagées par leurs gouvernemens dans l’une ou l’autre alliance pour mesure de la force respective des belligérans, on trouvera que l’on ne saurait estimer à moins de 52 millions d’hommes la population qui était réunie officiellement sous le drapeau de l’Autriche, soit comme sujette, soit comme alliée ; 38 millions pour l’empire proprement dit, 14 millions pour les états qui avaient voté avec elle à la diète et qui par suite devaient lui prêter le concours de leurs armes. De l’autre côté, dans l’alliance prussienne, on ne comptait au plus que 43 millions d’hommes : 18 millions pour la Prusse, 3 millions pour ses confédérés allemands, 22 millions pour l’Italie. La différence est grande et d’autant plus importante que, dans une querelle qui était surtout allemande, l’Autriche ne possédait pas seulement la supériorité absolue ; elle avait aussi la majorité dans les populations allemandes, quoiqu’il fut très naturel de supposer que cette majorité serait bientôt entamée. En votant avec l’Autriche à Francfort, les princes, et c’étaient eux seuls qui votaient à la diète, n’avaient pas fait que prendre le parti de ce qu’ils considéraient comme le droit ; ils combattaient aussi pro aris et focis, car c’était bien à toutes les dynasties allemandes que M. de Bismarck déclarait la guerre avec ses projets d’agrandissement de la Prusse et de réforme fédérale. Or, parmi ces princes, il en est quelques-uns, comme l’électeur de Hesse-Cassel par exemple, dont le gouvernement est tout à fait impopulaire, et il en est d’autres qui, sans être