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ténacité de sa résistance, n’a pu parvenir à se faire dégager par les confédérés. Si l’Autriche d’ailleurs voulait à la fois être en mesure de résister efficacement à tout mouvement agressif des armées prussiennes avec le dessein de reprendre elle-même, lorsque les mouvemens de l’ennemi se seraient dessinés, une offensive décisive, sa principale préoccupation devait être de concentrer ses ressources en Bohême, au lieu de les éparpiller d’une extrémité à l’autre d’une ligne trop vaste. Quand on réfléchit à la situation de l’Allemagne et à l’état encore incomplet de l’organisation de l’armée fédérale, il semble que le parti le plus sûr pour l’Autriche était d’attendre sur son terrain et non de prévenir par des pointes hasardeuses les attaques de la Prusse. L’offensive, à moins qu’elle n’atteigne du premier coup la victoire décisive, est ordinairement exposée à des inconvéniens graves. L’Autriche en a fait la fâcheuse expérience en 1859 ; aux affaires de Montebello, de Palestre, de Magenta, c’était elle qui attaquait. Quoique ce soit la Prusse qui marche en avant, quoique l’armée du prince Frédéric-Charles et celle du prince royal, l’armée prussienne de l’Elbe et celle de Silésie, fassent des efforts vigoureux pour se réunir en Bohême et couper les lignes de chemins de fer qui servent de bases d’opération et de moyens de concentration à la grande armée autrichienne du général Benedeck, il faut se garder encore de considérer cette offensive comme annonçant une supériorité des armées prussiennes. Il y a eu sans doute sur cette lisière de la haute Bohême, à Turnau, à Munchengraetz, à Nachod, à Skalitz, des engagemens partiels considérables, où, lors même qu’on n’ajouterait point foi aux télégrammes présomptueux de Berlin, on doit reconnaître que les Prussiens ont fait preuve d’une extrême énergie ; mais l’invasion de la Bohême est une entreprise hasardeuse où échoua le grand Frédéric lui-même. Avant de prononcer leur attaque principale sur les approches de Josephstadt, les Prussiens ont essayé de détourner l’attention des Autrichiens et de diviser leurs forces par des démonstrations à la limite extrême de la frontière méridionale de la Silésie, sur Oderberg et même sur Oczewin. Les engagemens partiels dont parlent les dernières dépêches n’ont jusqu’à présent qu’une signification ; ils indiquent un effort convergent des deux années prussiennes ; l’armée de l’Elbe, celle du prince Frédéric-Charles, semble avoir pénétré le plus avant ; l’armée du prince royal, celle de la Silésie, paraît au contraire être arrêtée dans sa marche sur Josephstadt. Dans l’entre-deux, entre Josephstadt et Pardubitz, est évidemment concentrée l’armée de Benedeck, prêt à faire face avec la masse de ses forces à celui de ses assaillans qu’il pourra combattre dans les conditions les plus avantageuses. On le voit, il est permis de croire qu’on est à la veille d’une grande bataille ; les armées prussiennes, malgré l’apparence de l’offensive, sont dans une position critique. De l’avis des juges militaires, l’armée autrichienne attend cette épreuve dans une situation plus favorable, et si le général Benedeck a les qualités d’homme de guerre qu’on lui attribue, il pourra bientôt faire repentir les Prussiens de l’impa-