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SCIENCES NATURELLES


LE DRONTE
ET LES ESPÈCES PERDUES.



Les matelots de l’amiral hollandais Wybrand de Warwyk, qui fut jeté, en 1598, sur la côte de l’île Maurice, découvrirent dans l’intérieur de cette île un oiseau aux formes lourdes et massives, impropre au vol, se traînant pesamment sur deux pieds très courts, qui ressemblaient à deux gros piliers. Sa tête, plantée sur un cou épais et court, était en partie nue, c’est-à-dire couverte d’une peau blanchâtre et presque transparente ; elle était coiffée d’un bourrelet de duvet noir qui a fait donner à cet oiseau le surnom de cygne à capuchon. Le bec, d’une grandeur démesurée, était armé de mandibules renflées par les deux bouts et fortement recourbées de façon à figurer deux cuillers pointues qui s’appliqueraient l’une sur l’autre par la concavité ; les narines s’ouvraient vers le milieu de la longueur du bec, qui, à partir de ce point jusqu’à l’extrémité, était d’un vert clair mêlé de jaune pâle et noirâtre en dessous. Tous ceux qui nous ont laissé des descriptions de cet oiseau ont été frappés de l’expression mélancolique de ses deux gros yeux noirs, entourés d’un cercle blanc. « Sa physionomie, dit le naturaliste Herbert, porte l’empreinte d’une tristesse profonde, comme s’il sentait l’injustice que lui a faite la nature en lui donnant, avec un corps aussi pesant, des ailes tellement petites qu’elles ne peuvent le soutenir en l’air, et servent seulement à faire voir qu’il est oiseau, ce dont sans cela on serait disposé à douter. »

Les ailes du dronte (tel est le nom sous lequel on désigne ordinairement l’oiseau de l’île de France) n’étaient en effet représentées que par deux