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Le seul indice de quelque attention de nos premiers rois pour nos grandes routes nous est fourni par une ordonnance qu’on rapporte à Dagobert Ier, et dont l’objet était de punir les entreprises et les usurpations faites sur les chemins. On y trouve distinguées trois catégories de voies : les viœ publicœ, qui sont évidemment les anciennes voies romaines, les viœ convicinales et les semitœ. Cette distinction n’est pas au reste propre aux Francs ; elle était empruntée à la législation romaine, qui employait des noms différens suivant la largeur et la destination des chemins. C’est seulement sous les Carlovingiens que l’on pourvut par des mesures générales à l’entretien des voies les plus indispensables aux besoins de la guerre, de l’agriculture et du commerce. Charlemagne, qui reprenait sur tant de points la tradition des Romains, employa comme eux les soldats de ses armées à la réparation des routes. Dans les provinces, les municipes, les vici, les colonies subvenaient aux frais de l’établissement, de l’entretien et du bornage des routes, ainsi que nous le montrent les inscriptions. Le monarque franc imposa pareillement l’entretien des chemins et des ponts aux habitans des localités sur le territoire desquelles ils étaient établis. L’œuvre s’exécutait d’ordinaire par ban, autrement dit par corvée, et un capitulaire de l’an 819 inflige une amende de 4 sols à quiconque n’aura pas répondu au ban. Ce système, en vigueur au temps de Charles le Chauve, subsista pendant toute la période des IXe et Xe siècles. C’était l’une des attributions des officiers appelés missi dominici, institués par Charlemagne, d’inspecter les grandes routes afin de veiller à ce qu’on y fît les réparations. Ils devaient s’entendre avec l’évêque et le comte sur le choix des commissaires chargés de diriger l’œuvre. Sous les empereurs romains, les curatores paraissent avoir rempli des fonctions analogues. En Italie, dès le temps de Trajan, les magistrats ayant mission de faire répartir des secours aux enfans pauvres, et qui portaient le nom de curatores alimentorum, de préfets des alimens, étaient en même temps préposés à l’inspection des voies publiques, que leurs fonctions les obligeaient sans cesse à parcourir.

Les possesseurs de terres faisaient exécuter les travaux auxquels ils étaient astreints par des gens de mainmorte, des serfs, et tout annonce qu’en Gaule la viabilité eut à souffrir du peu de soin qu’apportaient ces ouvriers dans leurs tâches. On s’écarta de plus en plus du système régulier et bien entendu des chaussées imaginé par les Romains et que relate Vitruve. Ce système est reconnaissable sur quelques anciennes voies de l’Italie dont les tronçons demeurent apparens. On peut surtout l’observer pour la voie Appienne, et la conservation jusqu’à nos jours de cette voie est la preuve qu’on y avait réuni à beaucoup de commodité tous les élé-