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LES VOIES ROMAINES EN GAULE.

déclare que, quels que soient le rang et le caractère des dignitaires ecclésiastiques, il ne leur est pas permis de se soustraire à l’obligation de contribuer à l’entretien des ponts et des voies publiques.

À cette époque, l’ancien système des redemptores, qui avait prévalu durant les premiers siècles de l’empire, semble avoir été abandonné. Ce système était fort analogue à celui de nos travaux soumissionnés. Les Romains remettaient, comme on sait, la levée des impôts en argent ou en nature, la culture et l’exploitation des biens du domaine public à des traitans qu’ils appelaient publicains et qui se recrutaient généralement, vers la fin de la république, dans la classe des chevaliers. Ceux de ces publicains qui se chargeaient des travaux à exécuter soit sur les routes, soit dans les édifices publics, étaient désignés par le nom de mancipes, de redemptores operum publicorum ; ils rentraient dans la classe des conductores, c’est-à-dire des entrepreneurs. Ils se remboursaient, par le produit des péages et des droits de circulation, des sommes déboursées pour le service de ce que nous appellerions aujourd’hui les ponts et chaussées. Ce mode d’administration, analogue à celui des fermiers-généraux, ouvrait la porte à de graves abus, permettait des exactions dont les provinciaux se plaignaient continuellement au temps de Cicéron. Sans doute une loi fixait la quotité des impôts à percevoir ; il était interdit sous les peines les plus sévères aux magistrats d’exiger des contribuables plus que le tarif arrêté par le sénat ; mais les publicains et leurs agens trouvaient moyen de faire produire aux taxes plus qu’elles ne l’auraient dû et pressuraient les malheureux provinciaux. Ceux qui prenaient à l’entreprise les routes ne négligeaient jamais de percevoir le montant des péages, sans s’acquitter toujours pour cela de leur obligation de maintenir les voies en bon état. Sous Tibère, Corbulon s’était plaint de la dégradation des voies de l’Italie, devenues pour la plupart impraticables et qui étaient parfois complètement interceptées par suite de l’infidélité des mancipes et de l’incurie des magistrats. Il s’offrit lui-même, nous dit Tacite, pour surveiller cette administration, mais il servit moins les intérêts du public qu’il ne nuisit à ceux de beaucoup de particuliers, dépouillés par lui de leurs biens, atteints dans leur honneur par des condamnations. Corbulon voulait faire un exemple ; ceux qu’il châtiait ne lui pardonnèrent pas sa sévérité, et le public lui tint peu compte de son zèle. Ce qui est arrivé à ce grand citoyen a été l’histoire de bien d’autres, et voilà ce qui dans tous les temps a peu encouragé les honnêtes gens à tenter une campagne contre les abus.

Malgré le système d’administration adopté par les Romains en matière de routes, leurs voies n’en demeurèrent pas moins pendant