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Les stations qui forment les points de repère des voies romaines étaient soit des villes, soit des forteresses, soit de simples hôtelleries ou maisons de halte, ce que les Romains appelaient mansiones, soit des lieux de relais (mutatio), des endroits où l’on prenait un cheval de renfort (equus tuticus). La fixation régulière et définitive de ces étapes remonte à Auguste, qui fit pour l’empire ce que Louis XI et Henri IV firent pour nos postes. Cet empereur ordonna que ces étapes fussent fournies de chars et de chevaux pour les besoins des voyageurs.

J’ai dit que les itinéraires peuvent être comparés à nos livres de postes ; ce n’était pourtant pas, à proprement parler, ce que nous appelons aujourd’hui des livres, c’étaient plutôt des rouleaux (volumina) en papyrus ou en parchemin, où l’on dessinait d’une manière grossière la direction de chaque voie, où l’on cotait les distances en regard des stations respectives. Nous en avons la preuve par la célèbre table de Peutinger, actuellement conservée à la bibliothèque impériale de Vienne, et à laquelle on a donné ce nom en mémoire du conseiller d’Augsbourg qui en fut un des premiers possesseurs. Ce document curieux, écrit sur douze feuilles de parchemin et transcrit au moyen âge par un moine, figure le monde connu des Romains vers la fin du IVe siècle de notre ère. Les villes, les castella, les établissemens d’eaux minérales y sont indiqués, aussi bien que certaines forêts et certaines chaînes de montagnes. Ce document atteste qu’à l’époque de Théodose II, à laquelle en paraît remonter la rédaction, l’empire romain était sillonné par de grandes routes sur presque toute son étendue. La comparaison de l’itinéraire d’Antonin et de la table de Peutinger accuse des changemens assez notables apportés dans le parcours des voies du IIe au Ve siècle. On avait dû en effet mesurer avec plus d’exactitude les distances, et les travaux exécutés dans les pays montagneux commençaient à permettre de gravir des pentes que l’on était auparavant réduit à contourner. Des progrès ne cessèrent de s’opérer dans la viabilité de Dioclétien à Constantin, et, jusqu’à la fin de l’empire, on continua de veiller à l’entretien des routes. Au temps de Théodose Ier’et d’Honorius, alors que le clergé avait le privilège d’être dispensé de concourir à la plupart des charges de l’état, on ne faisait d’exception que pour les ponts et les chaussées. Un édit de ces princes