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dans Rome, à la fois la tête et le cœur de cet organisme. La plupart de ces voies prirent comme leur aînée le nom du magistrat qui en avait dirigé la construction. Elles avaient une destination avant tout stratégique ; elles facilitaient la marche des armées et le transport des approvisionnemens. Je me bornerai à citer les plus anciennes de ces voies qui sont aussi restées les plus célèbres. La via Aurelia, qui partait de la porte Janicule, aujourd’hui Saint-Pancrace, se dirigeait vers la mer par Lorium et conduisait en Etrurie. Après la conquête de la Ligurie, elle fut prolongée jusqu’à Gênes, et plus tard à travers la Gaule narbonnaise jusqu’à Arles ; on en retrouve encore, dans le département du Var, des vestiges connus sous le nom de chemin d’Aurèle ou chemin Aurélian. La via Flaminia, qui partait de la vieille porte Ratumène, en suivant la direction du Corso, mettait Rome en communication avec les points principaux du littoral nord-ouest de l’Adriatique ; elle traversait l’Ombrie et aboutissait à Ariminum, aujourd’hui Rimini. Cette grande voie fut continuée, plusieurs siècles après, jusqu’à Plaisance, par une voie nouvelle dite via Emilia, du nom du général qui la fit exécuter, Æmilius Lepidus, nom qui a fait attribuer celui d’Emilie à une portion du pays qu’elle traversait. Les Romains eurent ainsi une grande ligne qui tenait à la fois en respect les Ombriens, les Étrusques et les Cisalpins. De plus, la via Flaminia se bifurquait sur la frontière toscane, et tandis que la branche principale suivait la rive droite du Tibre et passait par Ocriculum, l’autre branche dite via Cassia conduisait à Sutrium, Vilerbe et Bolsena. L’allongement de ces voies permit ainsi d’aller de Rome dans la Gaule cisalpine par des routes différentes, les communications entre la métropole et Modène pouvant s’établir par trois lignes distinctes.

La consolidation de l’autorité du peuple-roi en Italie, les guerres qu’il soutint incessamment au dehors de la péninsule ne firent qu’accroître la circulation sur ces routes, qui se transformèrent peu à peu en artères commerciales, sans perdre pour cela leur importance militaire ; car si Rome n’avait plus à craindre le soulèvement des peuples italiques, il lui fallait encore lever des troupes pour les conquêtes lointaines. Ces troupes devaient pouvoir se porter rapidement là où elles avaient à combattre, dans les ports d’où elles s’embarquaient pour l’Asie et l’Afrique, en sorte que la péninsule était sans cesse traversée par des soldats en marche. Les rapports politiques et administratifs avaient aussi singulièrement multiplié les transports. Le sénat entretenait avec les préteurs, les proconsuls et les souverains alliés ou amis du peuple romain des relations régulières et presque périodiques. Chaque année les gou-