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l’Europe centrale était couverte, les déserts de la Scythie, les sables de la Libye, les montagnes des Alpes ou du Caucase.

C’est à Rome que revient l’honneur d’avoir réellement conçu ridée d’un système régulier de routes. Il appartenait au peuple centralisateur par excellence de donner en fait de voies de communication les plus grands exemples, de réaliser ou de préparer les plus grands progrès. Parler des voies romaines, c’est remonter aux sources mêmes de la viabilité moderne. C’est encore étudier le monde romain sous un de ses aspects les plus caractéristiques.


I.

Le peuple-roi comprit la nécessité qu’il y avait, pour assurer sa domination sur les contrées de plus en plus lointaines où il portait ses armes, d’unir sa ville aux extrémités de ses frontières par des routes où pussent se transporter sans retards ses armées, ses magistrats, ses ambassadeurs. L’établissement de la puissance romaine avait eu pour conséquences de créer des rapports incessans de commerce et d’affaires entre Rome, les municipes et les colonies. Les habitans des provinces qui avaient le droit de cité romaine venaient ou pouvaient venir voter tous les ans dans les comices. Nombre de provinciaux faisaient le voyage de Rome, où ils allaient solliciter l’appui de quelque patron ; plusieurs y fixaient leur résidence tout en continuant d’entretenir avec leurs enfans, qu’ils avaient laissés dans leur ville natale, des relations de famille et d’intérêts. Tout tendait donc à multiplier dans l’empire romain les communications ; on n’avait encore senti nulle part ailleurs aussi vivement l’importance des routes et des moyens rapides de transport. Cette nécessité se manifesta dès que les Romains eurent uni à leur territoire la Campanie, qui en était notablement éloignée et qui allait devenir une des plus riches provinces de leur empire. En l’an 313 avant notre ère, le censeur Appius Claudius fit établir la voie qui prit son nom et qui a été le prototype de celles dont fut traversée dans la suite toute la péninsule italique. Les Romains n’avaient jusqu’alors connu dans le Latium que ces chemins naturels qu’ils appelaient iter (au pluriel itinera), et qui demeurèrent en usage après l’établissement des voies soit pour l’exploitation des champs, soit pour le service de petites localités sans grande importance et sans grand commerce. Ces iter, fort analogues à ce qu’ont été longtemps nos chemins vicinaux et qui se retrouvent encore aujourd’hui en grand nombre dans la campagne de Rome, servaient à la fois de route et de frontière entre le territoire des diverses tribus. Beaucoup n’avaient été à l’origine que de simples passages