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tière de travaux publics, c’est le peu de souci qu’avaient les premiers des égouts, des aqueducs et des grandes routes, objets constans au contraire de la sollicitude des derniers. Les Athéniens seuls se préoccupèrent du bon état et de la police de leurs voies. Dès le IVe siècle avant notre ère, ils avaient institué sous le nom d’hodopoios (ὁδοποιός) des magistrats particuliers auxquels était confiée l’inspection des routes, et qui, à raison de leur importance, furent investis dans la suite des attributions les plus diverses. Cependant il est probable que les voies dont l’hodopoios avait l’administration n’étaient d’abord que des voies urbaines, autrement dit de grandes rues. Le développement du commerce et de la culture rendit nécessaire l’établissement de chemins nouveaux à travers l’Attique, dont les points principaux étaient reliés à Athènes par des routes qui n’étaient elles-mêmes que les prolongemens des voies principales de la ville de Périclès. L’une de ces voies, la plus fréquentée de toutes, conduisait au Pirée, le grand port des Athéniens, la station principale de leurs navires de guerre.

On le voit, les Grecs ne sortirent que très tard de cet état de viabilité qu’on peut appeler l’état naturel, et dans lequel l’homme ne s’est point encore élevé à l’idée de la construction systématique de voies de communication. La civilisation grecque était trop fractionnée et trop locale pour avoir compris le besoin de ces grandes lignes itinéraires qui rattachent les peuples entre eux. Ce sont les gouvernemens centralisés qui ont les premiers senti la nécessité d’ouvrir des chemins là où la nature n’avait souvent créé que des obstacles.

Le vaste empire d’Assyrie par exemple posséda un système de voies destinées à relier fortement la métropole aux provinces qui lui étaient subordonnées. C’est à Sémiramis que la tradition fait remonter l’établissement des premières routes dans la véritable acception du mot. Cette reine célèbre fit exécuter de grands travaux, ouvrir des tranchées à travers les montagnes, aplanir le sol là où les inégalités gênaient la circulation, jeter des ponts sur les rivières qu’on traversait auparavant à gué. Cet exemple a été vraisemblablement suivi par d’autres monarques assyriens ; les inscriptions cunéiformes, dont l’intelligence commence à être dévoilée, attestent l’importance et la multiplicité des travaux qu’un Nabuchodonosor ordonnait dans Babylone. Des canaux étaient creusés, des digues élevées pour empêcher les débordemens de l’Euphrate et du Tigre, la viabilité était assurée sur une foule de points. Les Perses, héritiers de la grandeur et de la civilisation des Assyriens, suivirent leur exemple et établirent aussi de grandes routes. Xerxès dépensa des sommes considérables à l’exécution de travaux de