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LES VOIES ROMAINES EN GAULE.

Chine, que sillonne le Fleuve-Jaune, dans l’Égypte, qui n’est en réalité que la vallée du Nil, — les communications ont été plus multipliées et plus constantes qu’ailleurs, et la civilisation a de bonne heure atteint un développement remarquable. Couvertes de forêts impénétrables, coupées par des marécages, traversées par des chaînes inaccessibles, une foule de régions n’avaient guère dans le principe d’autres routes que leurs fleuves. Il en était ainsi de l’Amérique équinoxiale quand, au commencement de ce siècle, elle fut explorée par Alexandre de Humboldt. Avant la conquête de la Gaule par les Romains, le Rhône, la Saône, la Loire, la Seine, le Rhin et la Garonne étaient à peu près les seules voies commerciales ; les transports ne se faisaient par terre que dans l’espace qui séparait la Loire de la Saône et la Seine du Rhin. C’est cette circonstance qui valut de bonne heure à Lyon son importance, située qu’est cette ville au confluent de deux des plus grands cours d’eau de notre pays. En Grèce, au Ve et au VIe siècle avant notre ère, hormis sur les territoires fort restreints d’Athènes, de Sparte et de Thèbes, à proprement parler, il n’y avait pas de routes. La résistance du sol, due à la sécheresse habituelle, à la constitution rocailleuse du terrain, dispensait de tout entretien. Sans doute il existait des voies, ce que les Grecs appelaient ὁδός, c’est-à-dire des bandes de terrain que respectait la culture, que suivaient les piétons, les cavaliers et les chars, et par lesquelles s’opéraient d’ordinaire les transports. Au temps des gouvernemens républicains, on donnait aux voies de grande communication l’épithète de léophores[1]. Sous la domination macédonienne, elles furent connues sous le nom de basiliques, autrement dit royales ; mais ce n’étaient encore là que des chemins naturels, où l’on faisait tout au plus, en cas de graves dégradations, une réparation passagère. L’œuvre était généralement abandonnée aux riverains ou exécutée par ceux-là mêmes qui fréquentaient la route. Les travaux d’entretien semblent avoir été plus habituels et plus réguliers pour les voies que les Grecs appelaient sacrées, parce qu’elles conduisaient à des villes saintes, qu’elles étaient suivies par des processions et des pèlerinages, ou, comme on disait en langue hellénique, par des pompes et des théories. Telles étaient la voie d’Athènes à Eleusis, la voie d’Athènes à Delphes, celle d’Élis à Olympie. Toutefois il n’est pas fait mention de magistrats spéciaux commis à la surveillance de ces routes incessamment parcourues, et c’est là une preuve qu’on n’avait pas songé à en assurer la viabilité par des réparations annuelles et opportunes. Strabon fait remarquer que ce qui distinguait les Hellènes des Romains en ma-

  1. Λεωφόροι, mot à mot, qui portent le peuple.