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Les sept
Croix-de-Vie

QUATRIÈME PARTIE[1]


XVII.

Trois mois s’étaient écoulés depuis cette enivrante soirée où le marquis avait franchi pour la première fois le seuil du boudoir de Violante. On touchait à la fin de septembre, les grands coups de vent de l’équinoxe avaient passé sur la chênaie. Çà et là, l’un des géans, abîmé sur le sol ouvert par sa chute énorme, gisait au milieu d’un effroyable arrachement de branches et de jeunes arbres mutilés. Tous avaient perdu déjà une partie de leur couronne sombre, car les rafales qui traversent ces nuits terribles emportent par longues volées les feuilles encore vertes ; le chêne, dépouillé avant l’hiver, étend ses grands bras nus vers le ciel encoléré ; puis à ces redoutables fureurs succède tout à coup un repos étrange. La mer s’apaise et le ciel se détend ; un pâle soleil chasse les nuées qui s’abattent sur la forêt ; le brouillard se lève le matin dans les halliers, glisse sous la colonnade immense et descend dans les prairies. Tout est gris, doux et triste ; l’automne sied bien à cette nature qui ne veut jamais sourire ; l’air est tiède, et l’attrait de ces matinées est unique au monde. Aussi le marquis de Croix-de-Vie et sa jeune femme avaient-ils formé la veille le projet de sortir de bonne heure ce jour-là ; ils revenaient d’une longue promenade en calèche dans les bois de Sainte-Marie.

  1. Voyez la Revue du 15 mai, du 1er  et du 15 juin.