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à l’Evangile éternel, ouvrage de médiocre étendue, qui fut composé ou du moins mis au jour par Gérard de Borgo San-Donnino en l’année 1254.

7° Cette Introduction était la préface d’une édition abrégée des œuvres de Joachim, accompagnée de gloses par Gérard. Ces deux écrits, compris sous le nom sommaire d’Évangile éternel, transmis par l’évêque de Paris au pape en 1254, furent l’objet des censures de la commission d’Anagni en 1255.

8° Le texte de l’Introduction à l’Évangile éternel semble perdu ; mais la doctrine nous en a été conservée, dans les actes de l’assemblée d’Anagni et dans les autres condamnations qui frappèrent l’Évangile éternel (Mss. de Sorbonne, 1706,1726 ; Bibl. Mazarine, 391). Quant aux notes de Gérard, il nous en reste quelques fragmens dans le second document d’Anagni.

Un exemple fera mieux comprendre les rapports de ces textes divers, et comment l’un est sorti de l’autre par amplification ou par interpolation. « Au chapitre VIII de l’Introduction à l’Evangile éternel, disent les cardinaux de la commission d’Anagni, l’auteur prétend que, de même qu’au commencement du premier état, sont apparus trois grands hommes, Abraham, Isaac et Jacob, dont le troisième, c’est-à-dire Jacob, a eu douze personnes à sa suite (ses douze fils), de même qu’au commencement du second état il y a eu trois grands hommes, Zacharie, Jean-Baptiste et le Christ homme-Dieu, qui semblablement a eu douze personnes à sa suite (les douze apôtres) ; de même au commencement du troisième état, il y aura trois grands hommes semblables aux premiers, savoir l’homme vêtu de lin, l’ange tenant la faux aiguë, et un autre ange ayant dans sa main le signe du Dieu vivant. Celui-ci aura pareillement à sa suite douze anges, comme Jacob en a eu douze dans le premier état, et le Christ douze dans le second. Que par l’homme vêtu de lin, continuent les cardinaux, l’auteur de cet écrit entende Joachim, c’est ce qui est prouvé parle chapitre XXI vers le milieu…, et par le chapitre XII, où nous trouvons ces mots : « Jusqu’à cet ange qui tient le signe du Dieu vivant, et qui apparut vers l’an 1200 de l’incarnation du Seigneur, ange, ajoutent les cardinaux, que frère Gérard reconnaît formellement n’être autre que saint François. »

Voilà une théorie claire, arrêtée, et qui ne pouvait se produire que vers le milieu du XIIIe siècle, au sein de l’école franciscaine exaltée. Que si nous ouvrons la « Concorde » de Joachim, nous y trouvons, au deuxième traité du livre Ier, le parallèle d’Abraham, Isaac et Jacob d’une part, — de Zacharie, Jean-Baptiste et Jésus d’autre part, — plusieurs fois répété, mais non exprimé avec autant de précision ; nulle trace surtout d’une triade future des-