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nous prête ainsi sans scrupule une mauvaise foi qui serait insigne. Notre affirmation ne porte pas sur l’état actuel du prétendu cahier : nous lui disons que la collection de lettres de Marie-Antoinette à sa mère et à ses sœurs, écrites, suivant lui, de la main de l’abbé de Vermond, et qu’il affirme avoir copiées dans les archives de Vienne, n’existe pas et est absolument inconnue, comme n’ayant donc jamais existé, dans ces mêmes archives.

Après cela, je sais bien que M. Feuillet n’admet pas comme paroles d’évangile, — c’est bien son droit, — les témoignages d’archivistes. Voyez-le malmener M. de Sybel, qui lui demande compte de certains billets de Marie-Antoinette à Mercy, billets de quelques lignes indifférentes, pour donner rendez-vous, pour dire qu’on sera seule à telle heure, autographes à Vienne et encore autographes chez M. d’Hunolstein, comme s’il était concevable que Marie-Antoinette les eût écrits identiquement deux fois. On demande à M. Feuillet de Couches pourquoi il ne les a pas insérés dans son recueil, lui qui les a copiés à Vienne, suivant une note des archivistes, confirmée par M. d’Arneth dans la lettre du 14 décembre citée plus haut. Il répond qu’il ne sait à quel propos on lui parle de ces pièces, qu’elles ne lui ont jamais été communiquées et qu’il ne les a connues, comme toutes les lettres de la reine à sa mère et à ses sœurs en la possession de M. d’Hunolstein, que par la publication de ce dernier. — A quel propos on parle de tels détails à M. Feuillet, je peux le lui dire, et il comprendra tout de suite qu’ils ont leur gravité dans la discussion présente. On soutient que les prétendus autographes possédés par M. d’Hunolstein ont été fabriqués, le fabricateur ayant eu connaissance des vrais textes, et il s’agit de démontrer comment cela aurait pu se faire. S’il est prouvé que M. Feuillet a copié ces textes, certes cela n’importe pas directement, mais cela prouve du moins que les originaux ne sont pas restés secrets; des copies en ont pu être communiquées ou dérobées même. M. Feuillet peut avoir perdu et puis oublié les siennes; mais un habile fabricateur peut les avoir trouvées : ainsi s’expliquerait une fabrication devenue facile. — Notez qu’il en va de même pour l’unique lettre authentique parmi celles de Marie-Antoinette à sa mère que donne M. Feuillet, et pour une lettre à Gustave III du 26 février 1776. M. Feuillet a connu des copies seulement de ces deux pièces. Il produit un fac-similé de la première qu’il a certainement tort de croire authentique. M. d’Hunolstein croit posséder un original de la seconde; mais, outre que l’on comprendrait difficilement cette lettre écrite deux fois par la reine, l’original incontestable qui est aux archives des affaires étrangères de Stockholm offre un caractère d’écriture différent. L’un et l’autre collectionneur auront acheté des pièces fabriquées, la seconde après 1841, d’après des copies qui, nous le savons, ont été vues et ont pu circuler. Où et comment ils ont acheté, cela n’est pas notre affaire; nous étions tenu seulement à démontrer, en présence de dénégations obsti-