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préside à ces terribles phénomènes, car on était encore, il y a cinquante ans, dans une ignorance complète à ce sujet. Au commencement de notre siècle, un savant géologue italien, Mario Gemellaro, a montré le premier que, dans une éruption quelconque, le sol s’entr’ouvrait toujours de la même manière, suivant une fente à peu près rectiligne. Quelques années plus tard, M. Élie de Beaumont, adoptant ces idées, les a étendues et généralisées; il a fait voir qu’un volcan n’était autre chose qu’un point de rupture de l’écorce terrestre, autour duquel rayonnaient une série de fêlures divergentes. Depuis lors, il ne s’est produit aucune éruption nouvelle sans qu’on n’ait eu à vérifier l’exactitude de ces opinions; dans les faits qui s’accomplissent au milieu de la baie de Santorin on en peut voir particulièrement une éclatante confirmation. En effet, l’île George, Aphroessa et Reka, les trois principaux centres de l’éruption, sont situés sur une même fissure rectiligne, dont ils ne sont que des points singuliers, et entre eux le sol est profondément labouré et déchiré dans la même direction. On peut donc dire aujourd’hui que le développement des puissans effets mécaniques des volcans est soumis aux mêmes lois, soit que l’on considère des volcans terrestres comme le Vésuve et l’Etna, soit que les laves sortent du milieu de la mer comme à Santorin.

A côté de ces phénomènes mécaniques, il y a toute une série de phénomènes encore plus compliqués, dont l’étude, exigeant des connaissances d’un ordre spécial, était restée longtemps moins avancée : ce sont les réactions chimiques si variées et si remarquables qu’on observe dans toutes les éruptions, et qui ont fait comparer les volcans à de grands laboratoires naturels. Quand ces évens du globe terrestre sont en état d’activité, les produits qu’on y rencontre sont de deux sortes : d’une part se trouve la lave épanchée sous forme de courans liquides ou projetée dans les airs sous forme de cendres, de lapilli ou de blocs dont la grosseur peut atteindre le volume de plusieurs mètres cubes ; de l’autre part se voient une foule de produits volatils aussi divers d’aspect que de composition. Ce sont ces derniers dont Gay-Lussac demandait avec instance qu’on recherchât la nature, disant que cette étude, faite sur les vapeurs de plusieurs volcans, permettrait de découvrir la cause même des éruptions, donnerait la clé des phénomènes volcaniques. Aujourd’hui le désir exprimé par Gay-Lussac se trouve en partie rempli : Gay-Lussac lui-même, sir Humphry Davy, Breislak, Abich, Daubeny, ont commencé à porter la lumière dans ces difficiles questions. M. Boussingault a installé des appareils d’analyse jusqu’au sommet des Andes et appliqué le premier d’une façon suivie les ressources de la chimie à l’étude des gaz qu’il y avait recueillis. Il a ouvert une voie féconde dans laquelle il a été suivi par l’un des plus illustres chimistes de l’Allemagne, M. Bunsen, dont le travail sur l’éruption de l’Hékla en 1844 restera à jamais comme un modèle de l’application de la chimie à la géologie.

Les cratères des plus grands volcans de l’Europe et de l’Amérique ont été