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qui accompagne l’explosion d’une poudrière, et depuis lors on voit en ce point un petit cratère ayant environ 30 mètres de diamètre et autant de profondeur. Les parois en sont couvertes d’un dépôt de sels de fer en partie décomposés, dont les nuances éclatantes passent du jaune clair au rouge le plus vif. Il s’en dégage de la vapeur d’eau, de l’acide carbonique et une faible quantité d’acide sulfhydrique.

Tel était l’état général de l’éruption vers la fin du mois de mai. Depuis cette époque, les phénomènes se sont concentrés exclusivement dans l’intervalle compris entre l’île George et Aphroessa, et le sol entr’ouvert dans cette étendue a fourni des quantités prodigieuses de lave qui se sont répandues vers le sud-ouest au fond de la mer. Les coulées ainsi formées présentent aujourd’hui une épaisseur de plus de 200 mètres. Elles sont, comme les précédentes, composées de blocs irréguliers constitués par des fragmens de lave rapidement solidifiés au contact de l’eau, entassés les uns sur les autres dans le plus affreux désordre, et rejetés sans cesse en avant et en haut par la poussée de la matière en fusion qui sort sans interruption des profondeurs de la terre. Ces coulées ont, comme tous les courans de lave, une surface supérieure fort irrégulière, de telle sorte qu’en certains points elles dépassent le niveau de la mer, tandis que dans d’autres elles restent beaucoup au-dessous. Les parties émergées forment autant d’îlots, qui ne tarderont pas à se réunir quand la masse totale de lave aura acquis une plus grande épaisseur et que tout l’ensemble se trouvera émergé. Il existe ainsi onze îlots distincts de création toute récente, qui ne formeront bientôt plus en se rejoignant que de simples promontoires de Nea Kameni.

Il est impossible de prévoir d’une façon positive le temps pendant lequel se prolongeront encore toutes ces manifestations volcaniques ; cependant la concentration graduelle du foyer éruptif et surtout la substitution de l’acide carbonique pur au mélange de ce gaz avec les composés hydrogénés permettent d’affirmer qu’aujourd’hui l’éruption est en voie de décroissance, bien que la sortie abondante des laves, la formation de nouveaux îlots, l’élévation de température en quelques points et les détonations multipliées qui se produisent encore au sommet de l’île George aient pu faire penser le contraire. En somme, l’éruption actuelle, quelle qu’en soit la durée, aura eu pour effet principal d’augmenter considérablement l’étendue de l’île de Nea Kameni, et d’en modifier surtout la configuration ; mais aura-t-elle exercé, comme on l’a craint, une influence désastreuse sur la santé des hommes et des plantes à Santorin et dans les autres îles qui environnent la baie? Aura-t-elle, comme celle de 1650, brûlé les vignes et causé une effrayante mortalité dans la population? Les faits jusqu’à ce jour tendent à montrer qu’on n’a rien à redouter de pareil. La poussée volcanique de 1866 n’a pas été assez puissante pour causer de grands dommages, lesquels d’ailleurs ne sont produits à distance que dans des cas exceptionnels.

Néanmoins, dans l’éruption actuelle, les gaz et les vapeurs sont loin d’avoir été sans action. L’influence s’en est fait sentir dans un rayon considé-