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tait élevée à une température de 60 à 70 degrés, et les bulles de gaz dégagées au contact des blocs incandescens produisaient en brûlant des flammes brillantes, que l’on pouvait apercevoir aussitôt après le coucher du soleil non-seulement à la surface de la mer autour d’Aphroessa, mais aussi sur le sommet de l’îlot volcanique. Pendant la journée, on ne voyait en ce point que des fumées roussâtres bien différentes des vapeurs blanches qui ont toujours couvert la pointe culminante de l’île George.

Jusqu’au 20 février, il n’y eut rien d’important à signaler, si ce n’est de temps à autre quelques détonations assez fortes. À cette date, les îlots de George et d’Aphroessa s’étaient considérablement agrandis. Le premier de ces deux centres d’éruption formait une colline conique haute d’environ 50 mètres, le second se présentait sous l’apparence d’une île allongée dans la direction du nord au sud, et dont le sommet s’élevait à 15 mètres environ au-dessus des eaux. Cette île était séparée de Nea Kameni par un canal qui se rétrécissait tous les jours, et n’avait plus guère que 20 mètres de largeur. La commission scientifique grecque, qui suivait attentivement les progrès de l’éruption, vint, dans la soirée du 19 février, jeter l’ancre dans le canal compris entre Micra Kameni et Nea Kameni, tout auprès de cette dernière île. Non loin de là se trouvait amarré un navire de commerce qui était en train de recueillir et de charger un reste de pouzzolane déposée sur le quai. La nuit se passa tranquillement; aucun mouvement violent du sol, aucune détonation plus forte que de coutume, n’en troublèrent le calme. L’amas de lave de l’île George brillait comme d’ordinaire dans l’obscurité, et éclairait d’une lueur rougeâtre les maisons en ruine qui bordaient le rivage. Le matin du 20 février de très bonne heure, les membres de la commission grecque descendirent à terre avec leurs instrumens. Ils furent bientôt frappés de certains signes spéciaux, suffisans pour leur faire présumer qu’il allait prochainement se passer quelque chose d’insolite. La température de l’eau de la mer près du rivage atteignait 85 degrés, elle s’était élevée de 10 degrés depuis la veille. La vapeur s’échappait plus vivement du sommet de l’île George, le sifflement qu’elle produisait était interrompu par des bruits souterrains beaucoup plus sonores et plus prolongés que les jours précédens. Tout autour du centre éruptif, les fumeroles sulfureuses présentaient également une activité inaccoutumée. Malgré ces indices précurseurs d’une crise prochaine, les membres de la commission n’en résolurent pas moins de continuer leur travail. L’un d’eux, M. Palaska, resta sur le bord de la mer, afin d’y faire quelques déterminations géodésiques. Les quatre autres, MM. Schmidt, Mitzopoulos, Boujouka et Christomanos, gravirent le cône de Nea Kameni pour observer l’ensemble de l’éruption. Il était environ neuf heures quand ils en atteignirent le sommet. Ils y trouvèrent des crevasses profondes nouvellement formées, d’où s’échappait de la vapeur d’eau chargée d’acide sulfhydrique, et quand ils arrivèrent sur le bord méridional de l’ancien cratère, situé en face et au-dessus du volcan nouveau, ils virent que l’aspect de l’île d’Aphroessa et de