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L’iode et le brome ont joué un rôle important dans les progrès de la photographie. L’extraction de ces deux métalloïdes et des sels alcalins obtenus par l’incinération des algues marines s’effectue depuis avec un grand succès sur nos côtes de Normandie et de Bretagne. Un des premiers établissemens de ce genre, fondé près de Cherbourg par M. Cournerie, est devenu une importante usine, qui est en pleine voie de prospérité sous la direction de M. Cournerie fils, ingénieur de l’École centrale. Un habile chimiste, M. Moride, a même récemment proposé d’améliorer les conditions d’extraction de l’iode et supprimé toute cause de perte par volatilisation en carbonisant les algues au lieu de les incinérer. Des établissemens de même ordre et non moins florissans se sont également formés sur les côtes d’Angleterre. Ce n’est pas là cependant qu’il faut chercher la plus importante application des sciences chimiques à l’industrie au point de vue de la production de la soude : M. Balard a installé dans les marais salans des bords de la Méditerranée une exploitation remarquable, qui à pour but principal l’extraction du sulfate de soude et des sels de potasse. La première de ces opérations est fondée sur un fait observé d’abord par Green et vérifié par Berthier : la double décomposition qui s’opère entre le sulfate de magnésie et le sel marin sous l’influence d’une température inférieure à 0 degré ; les deux sels, mis en présence dans ces conditions, échangent, pour ainsi dire, les élémens qui les constituent et donnent du sulfate de soude et du chlorure de magnésium. Partant de cette donnée, M. Balard réussit à extraire des marais salans le sulfate de soude ; il adopta des dispositions si ingénieuses, il utilisa si heureusement les lois théoriques de la solubilité des sels, qu’il parvint à fabriquer annuellement sur un hectare de marais salans 1,125,000 kilogrammes de sulfate de soude cristallisé et 200,000 kilogrammes de chlorure de potassium en traitant ces eaux-mères jusque-là dédaignées et rejetées à la mer.

Cette belle industrie mérita au savant qui l’avait fondée les honneurs de la grande médaille à l’exposition internationale de Londres en 1862. Elle présentait une lacune cependant : la réaction chimique sur laquelle elle était tout entière basée exigeait une température inférieure à 0 degré pour pouvoir se produire. L’exploitation des marais salans était donc livrée au caprice des saisons, et par la force même des choses condamnée à de longs chômages. Il était évident que ce n’était pas là une difficulté insoluble : on sait en effet[1] que la chaleur n’est qu’une modification de la force, et que* partout où on peut faire fonctionner une machine, on a sous la main une source de chaleur, et par suite, au moyen de transformations

  1. Voyez, dans la Revue du 1er mai 1863, de l’Equivalence de la Chaleur.