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magnésie, d’ammoniaque, de cuivre, de fer, de quinine, qui ont tous des applications importantes et variées dans l’industrie, l’agriculture, la médecine, l’économie domestique. La production des courans électriques, la galvanoplastie, les dorures et argentures électro-chimiques, l’affinage de l’or et de l’argent, les recherches médico-légales, la fabrication des bougies stéariques, l’épuration des huiles de colza et des hydrocarbures, la dissolution de l’indigo, la préparation de la garancine, voilà, entre autres, des branches d’industrie qui ne peuvent se passer de l’acide sulfurique, qui ont été vivifiées par les progrès de la fabrication en grand de cet acide, fabrication dont nous pouvons nous regarder comme redevables aux premières soudières. C’est un remarquable exemple de la solidarité qui existe entre les découvertes et de la loi qui les fait, pour ainsi dire, sortir les unes des autres.

La fabrication de l’acide sulfurique a une telle importance qu’on a pu dire avec vérité : « La prospérité industrielle d’un pays est en raison directe de la consommation d’acide sulfurique que fait ce pays. » Cette fabrication a subi des vicissitudes nombreuses, dont l’industrie soudière a particulièrement ressenti les contre-coups. En voici une curieuse, et qui mérite d’être signalée dans l’histoire si accidentée des arts chimiques. Le procédé le plus ordinaire de préparation de l’acide sulfurique consiste à oxyder l’acide sulfureux au moyen de vapeurs nitreuses en présence de l’eau et de l’oxygène de l’air. L’acide sulfureux s’obtient alors par la combustion du soufre qu’on brûle dans un courant d’air, en tête des chambres de plomb où s’opère la réaction principale. On retira longtemps le soufre de Sicile. En 1838, une compagnie commerciale se fit concéder par le roi de Naples le monopole du soufre malgré les réclamations de la France et de l’Angleterre. Elle avait promis à ce prince de beaucoup augmenter les revenus de la couronne ; maîtresse du marché, elle haussa le prix du soufre. Grande émotion en Angleterre et en France. Pendant que les ambassadeurs de ces deux pays parlementaient à Naples, nos industriels songèrent à reprendre un procédé indiqué par Dartigues pendant la révolution et qui nous avait déjà fourni le soufre de nos poudres de guerre sous la république et l’empire : il consistait soit à distiller, soit à griller la pyrite martiale (bisulfure de fer). Ce procédé donnait le soufre à un prix un peu plus élevé que celui du soufre de Sicile ; il avait été abandonné dès le rétablissement de nos relations commerciales avec le sud de l’Italie. On s’empressa d’y revenir au moment de cette hausse inattendue. La production du soufre indigène, non moins que l’intervention diplomatique des gouvernemens, réduisit le prix du soufre de Sicile ; mais la nouvelle industrie française subsista et donna lieu à un incident qui parut d’abord bizarre. On