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progrès. Il est reconnu que la pénalité actuelle, insuffisante comme rigueur, n’empêche pas les délits de se produire en nombre toujours plus considérable. En même temps que les frais de police augmentent, la propriété privée souffre de plus nombreuses atteintes. Que faire donc ? Faut-il, comme le proposait le capitaine Machonochie, substituer à un temps donné de captivité une somme de travail qui devra être exécutée avant que le condamné soit libérable ? Faut-il supprimer les tickets of leave et se priver ainsi d’une récompense préférée à toutes, d’un aiguillon que rien ne remplace ? Comment s’y prendre pour obtenir, par des moyens à l’usage de tous, la solution de ce problème que M. Organ n’a pas trouvé au-dessus de son zèle, la réconciliation du libéré avec l’ordre social représenté par les distributeurs de travail ? Autant de questions fort embarrassantes. Un acte du parlement, passé le 25 juillet 1864, a déjà remédié à quelques abus des tickets of leave. Il place les libérés provisoires sous la surveillance immédiate de la police. Il augmente la durée de la peine en cas de récidive. Dans le commentaire qu’en a donné sir George Grey en l’expédiant à tous les juges et recorders du royaume-uni, on laisse pressentir que la liberté provisoire, au lieu d’être accordée de droit au condamné dont la conduite aura été exempte de blâme, ne le sera plus qu’à celui dont le travail, exactement mesuré, représentera la somme totale des efforts dont il est capable. On modifiera sans doute le bien-être excessif dont jouissent les convicts anglais, bien-être tel qu’on a vu les ouvriers aux abois commettre de propos délibéré des crimes qui devaient leur assurer les avantages, les douceurs d’une longue captivité. On créera des établissemens séparés pour les criminels reconnus incorrigibles, et on les y gardera jusqu’à leur mort, afin que leur influence éminemment corruptrice ne puisse plus s’exercer ni au dedans ni à l’extérieur des prisons de l’état. Des combinaisons administratives obvieront à ce mystère dont un homme déjà flétri par une ou plusieurs condamnations peut envelopper ses antécédents judiciaires[1]. On laissera moins d’arbitraire aux juges, qui jusqu’à présent règlent selon leur caprice, et parfois avec une évidente inconséquence, la durée des peines qu’ils prononcent[2]. La discipline intérieure des maisons de détention (county-gaols) sera mise en harmonie avec celle des convict-prisons, et enfin de simples délits fréquemment renouvelés acquerront par là même assez de gravité pour qu’on les punisse

  1. La photographie joue déjà an rôle essentiel dans les investigations actuelles de la police judiciaire. Les convicts la redoutent particulièrement. Elle remplace avec un immense avantage les signalemens si défectueux dont on usait autrefois.
  2. Voyez plusieurs exemples bizarres de ces capricieuses inconsistances dans le livre de miss Carpenter, t. II, p. 367 et suiv.