Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 63.djvu/910

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prêter l’oreille à ces utiles leçons. Il se cabre, se révolte, brave les autorités, se refuse à tout travail ; mais à chaque délit correspond un châtiment, et le châtiment pourrait aller au besoin jusqu’aux rigueurs corporelles, qui sont maintenues dans le code des prisons. On dédaigne pourtant ces moyens extrêmes, ou plutôt on redoute l’irritation excessive, le ressentiment profond qu’ils laissent après eux. L’isolement, la mise aux fers, la dark-cell, le retranchement de nourriture, suffisent pour avoir raison des plus réfractaires. Notre convict se pénètre à la longue de cette idée que, dans de certaines limites, il est l’arbitre de son propre sort. S’il passe de cette idée à celle qu’au lieu de vouloir l’opprimer purement et simplement, ses gardiens ne demandent qu’à lui prêter secours afin de le mettre en bonne voie, le but principal de cette première épreuve est à peu près atteint. De la condition d’esclave courbé sous le fouet, il est arrivé à celle de coopérateur volontaire. — Ce pas est immense : il y a là un abîme à franchir.

Le premier stage de l’emprisonnement séparé n’est consacré qu’à l’expiation ; aussi le condamné n’a-t-il encore obtenu pour prix de sa bonne conduite qu’un passage plus ou moins prompt dans les prisons du second degré, les. prisons de travail en commun. J. B. y arrive plus tard qu’un autre ; il y arrive cependant, et nous l’y suivons.

S’il était habitué au travail de la terre, il irait à Spike-Island, où on l’emploierait comme terrassier aux fortifications qu’on y élève. Il a un état, on l’expédie à Philipstown. Là commence pour lui l’application du système des marques, système qui lui a été méthodiquement expliqué à Mountjoy. Il sait que le second stage comporte quatre classes, où on ne parvient successivement qu’après avoir obtenu dans chacune d’elles un nombre donné de marques. Ces bonnes notes sont réparties en trois catégories et se donnent : 1° pour la régularité de conduite, 2° pour le zèle dont on fait preuve à l’école[1], 3° pour la bonne volonté qu’on déploie au travail[2]. Le maximum mensuel est de trois pour chaque catégorie, donc neuf en tout, qui, portées à l’actif du condamné, abrégeront son séjour dans la classe inférieure, et déduites au contraire de cet actif pour un méfait quelconque, l’y retiendront plus longtemps.

Placé au début dans la troisième classe, J. B. sait qu’il peut arriver à la seconde en deux mois, si pendant ces deux mois il a gagné dix-huit marques, de la seconde à la première en six mois, si pendant ces six mois il a gagné cinquante-quatre marques, de la première enfin à la classe dite avancée en un an de temps, si

  1. Le zèle et non pas le progrès.
  2. La bonne volonté, non la quantité de travail obtenue*