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Dans un autre pays, la même œuvre, poursuivie avec la même ardeur, obtient le même succès. M. George Combe, à qui ses travaux d’anthropologie ont fait une réputation hors ligne, a décrit les prisons de Munich telles qu’il les a vues sous la direction du regierungsrath von Obermayer. Là sont réunis, comme pour défier toute tentative régénératrice, six cents criminels choisis parmi les plus endurcis qu’aient pu fournir les différens districts de la Bavière. Un certain nombre sont condamnés à vie ; les mieux partagés ont devant eux une captivité de huit à douze ans, c’est dire que la plupart ont été convaincus de meurtre ou tentative de meurtre.


« Et cependant, dit M. Combe, point de cellules-cachots, point de rigueurs disciplinaires, pas de surveillance salariée, si l’on veut bien ne pas compter un porte-clefs établi en dehors de chaque division (ward) et qui n’a rien à voir dans ce qui se fait à l’intérieur. Les détenus, formés par groupes de dix, vingt, trente, suivant les dimensions de la pièce qu’ils occupent, se livrent séparément à leur besogne sous le contrôle de l’un d’eux. La nuit, ils dorment ensemble et groupés de même, chacun sur son matelas garni de draps blancs et d’une couverture de laine. Un grand poêle chauffe l’hiver ces ateliers et ces dortoirs. Les détenus mangent en commun, se mêlent dans les cours où ils prennent de l’exercice, et ne sont soumis à aucune autre contrainte que celle d’une claustration complète. Ce vieux couvent donne l’idée d’une manufacture plutôt que celle d’un lieu d’expiation. La laine et le chanvre arrivent bruts aux mains des prisonniers, qui les cardent, les dévident, les tissent, les teignent au besoin, et les ramènent à l’état d’étoffes complètement préparées. Il y a des ateliers de tailleurs, de cordonniers, de forgerons, et jamais autre enseignement, jamais autre contrôle que celui des détenus eux-mêmes. Les grilles sont si légères, les outils de tout genre délivrés en si grand nombre, que l’évasion serait on ne peut plus aisée, l’unique sentinelle placée au dehors n’ayant pas vue sur le quart des fenêtres de l’établissement. Et pourtant nulle tentative pour briser les clôtures ; une obéissance gaie, une assiduité laborieuse, surtout une apparence de calme tout à fait surprenante. Il est bien évident que, dans ces natures diverses et diversement modifiées par l’éducation, la disposition mentale n’est pas la même, mais le milieu paisible où elles se meuvent réagit sur toutes ; les plus mauvaises participent à cette influence, et chez les meilleures, chez celles qu’une captivité plus longue a plus profondément imbues d’élémens réparateurs, le succès du traitement auquel on les a soumises est attesté par une sérénité d’expression, une douceur de physionomie qui ne sauraient laisser aucun doute. Tout ceci est l’œuvre d’un homme de génie. »


Ne chicanons pas sur le mot ; M. G. Combe n’en rabattrait rien. Et cependant, à prendre au pied de la lettre le résumé qu’il nous donne de ses entretiens avec le regierungsrath, il n’y a là que l’application des plus simples préceptes évangéliques. M. Obermayer