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retrouve en toute occasion, — que la paresse ministérielle, rebelle aux soins excessifs dont l’accablerait la surveillance des libérés provisoires, puisse être pour quelque chose dans les scrupules dont elle fait parade ; il n’en reste pas moins avéré que le goût de la police ne l’emporte pas encore, chez nos voisins, sur le respect traditionnel de l’indépendance et du droit commun. Nous nous croyons permis de les en féliciter sans aucune arrière-pensée pessimiste ou séditieuse.

On voit, d’après ce rapide aperçu de la question envisagée à son point de vue historique, où en sont actuellement les difficultés créées au gouvernement anglais par l’abolition forcée de la transportation : ce sont ces difficultés qui ont mis à l’ordre du jour l’étude des moyens par lesquels on pourrait, perfectionnant la servitude pénale, en faire simultanément un moyen de punition pour les crimes passés, une garantie contre les crimes à venir. Châtiment et réforme doivent marcher du même pas, sous peine de laisser non résolu le problème qui consiste à « minimiser » le nombre des délits et de ceux qui les commettent. Le système suivi jusqu’à présent chez nos voisins, si bien combiné qu’il puisse paraître à un observateur superficiel, n’a point abouti au résultat désiré. La criminalité, loin de tendre à se réduire, se développe et s’accroît ; les récidives prouvées sont nombreuses, plus nombreuses encore, paraît-il, celles que l’on punit sans savoir qu’elles ont ce caractère aggravant. Par là se trouvent autorisés les critiques, les conseils, les indications de tout genre qui peuvent éclairer la situation et conduire à de salutaires réformes. L’enquête est ouverte, les témoins abondent. Parmi ceux-ci, deux femmes se sont fait remarquer. L’une d’elles, miss Mary Carpenter, dans l’ouvrage intitulé Our Convicts, a voulu mettre en relief les lacunes de l’œuvre réformatrice ; elle l’a fait en opposant, avec la compétence spéciale que lui donne la direction d’une reformntory school, les vices du « système anglais » aux avantages de la pratique suivie en Irlande. La seconde, qui s’est réservé les bénéfices du plus strict anonyme, a été employée comme matron, c’est-à-dire surveillante, d’une prison de femmes, d’abord à Millbank, puis à Brixton ; douée d’une faculté observatrice qui manque rarement à son sexe, elle accumule les faits et les souvenirs personnels, laissant modestement à d’autres le soin de mettre en œuvre, pour l’amélioration du régime pénitentiaire, les matériaux qu’elle leur fournit. Elle ne dogmatise point, elle raconte, et quand elle raconte, même quand elle invente, elle se borne la plupart du temps à coordonner des réminiscences authentiques. Son roman, Jane Cameron, doit être envisagé comme une véritable biographie dont tous les élémens