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Une voix faible comme le bruissement du feuillage répond : — C’est moi, moi ; je viens te voir.

— Me voir ! Qui es-tu ?

— Viens à la nuit, au coin du bois, sous le vieux chêne ; j’y serai.

Je veux regarder les traits de cette mystérieuse figure et je frissonne involontairement. Je me sens comme, transi de froid. Je suis, non plus couché, mais assis sur mon lit, et à la place où j’ai cru voir un fantôme il n’y a plus qu’un blanc rayon de la lune s’allongeant sur le parquet.


II

Le jour tarda bien à se faire. Je voulus lire, travailler !… Rien n’allait. Enfin la nuit vint ; mon cœur battait dans l’attente de quelque événement. Je me couchai le visage tourné vers la muraille…

— Pourquoi n’es-tu pas venu ? murmura une petite voix, faible, mais distincte, tout près de moi dans ma chambre.

C’est elle ! le même fantôme mystérieux avec ses yeux immobiles, son visage immobile, le regard plein de tristesse !

— Viens ! murmura-t-elle de nouveau.

— J’irai ! répondis-je, non sans effroi. Le fantôme parut faire un mouvement vers mon lit. Il chancela,… sa forme devint confuse et troublée comme une vapeur. Au bout d’un instant, il n’y avait plus que le blanc reflet de la lune sur le parquet poli.


III

Je passai toute la journée suivante dans une grande agitation. A souper, je bus presque toute une bouteille de vin. Un instant je sortis sur le perron, mais je rentrai presque aussitôt et me jetai sur mon lit ; mon pouls battait avec force.

Encore une fois ce frémissement de corde se fit entendre. Je frissonnais et n’osais regarder… Tout à coup… il me sembla que quelqu’un, posant ses mains sur mes épaules par derrière, murmurait à mon oreille : — Viens, viens, viens ! — Tremblant, je répondis avec un grand soupir : — Me voici ! — et je me soulevai sur mon lit. La femme blanche était là, penchée sur mon chevet ; elle me sourit doucement et disparut aussitôt. Pourtant j’avais pu jeter un regard sur son visage : il me sembla que je l’avais vue quelque part, mais où et quand ?… Je me levai fort tard, et toute la journée je ne fis que me promener dans les champs. Je m’approchai du vieux chêne à la lisière du bois, et j’examinai avec soin tous les alentours.