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point sa femme ? Cette dernière s’introduit dans les maisons, parfois dans, les palais. Il y en a même qui partagent les travaux du ministère. Le bruit s’étant répandu à Ralmaiswi, — 14 lieues de Nagpore. — qu’une lady (mistress Cooper) était arrivée qui parlait le marathi, plus de deux cents femmes de la ville allèrent la voir dans sa tente. Son mari était absent et prêchait alors dans le bazar : elle profita de la circonstance pour leur lire et leur expliquer la Bible. « Nous n’aurions pas osé venir, ajoutèrent ces femmes, si le sahib avait été un homme ; mais, puisque c’est une personne de notre sexe, nous ne voyons point de mal à recueillir de sa bouche ce que nos maris écoutent de leur côté dans le bazar. »

Les missionnaires résidens appartiennent surtout à l’église anglicane. Quelques-uns d’entre eux habitent tout à fait dans l’intérieur des terres, comme par exemple M. Joseph Higgins, qui vint s’établir, il y a cinq ou six ans, dans la longue vallée de Budwail, enfermée de tous côtés par de noires collines recouvertes de forêts basses et de buissons sauvages. C’est un pays plat avec des lacs luisant au soleil des tropiques, et de nombreux villages à demi cachés par les grands tamarins ou les figuiers qui les ombragent. Presque seul Européen, il vit là au milieu d’une rude population hindoue, la tribu des Malas. Sa hutte s’élève sur le bord d’une rivière dans un endroit triste, éloigné de toute autre habitation. Il est vrai qu’elle se trouve abritée par un bosquet de grands arbres sous lequel le missionnaire se promène ou s’assoit le soir en rêvant. Plus d’un laboureur indien passant devant la maison pour se rendre à son village s’arrête étonné à la vue du padre la tête penchée sur un livre, ou noircissant du papier avec une plume chargée d’encre, et se livrant ainsi à des occupations dont l’Indien des classes inférieures ne peut se former aucune idée. La nuit, la fenêtre étoilée d’une lumière inspire une sorte de terreur merveilleuse au milieu de l’océan de ténèbres qui couvrent la vallée. Cette hutte solitaire a pourtant ses fêtes, et quand on parle de réjouissances, quel Anglais ne songe à la Noël ? La veille de ce grand jour, des groupes d’hommes, de femmes et d’enfans revêtus des couleurs les plus éclatantes, — robes blanches avec des vestes et des turbans écarlate, — arrivent des divers villages chrétiens. La plupart des femmes portent des fleurs dans leurs cheveux, et les enfans sont couverts de guirlandes de soucis et de chrysanthèmes. Au tomber de la nuit, environ cinq cents personnes se trouvent réunies, et une petite clochette donne le signal du service religieux. Sous la rustique véranda, formée de perches supportant des fascines recouvertes de terre et couronnées de rameaux verts, on place une petite table devant laquelle s’assoit le missionnaire, tandis que la