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quelques salles d’attente et le cabinet d’un des directeurs sont couverts de portraits de missionnaires et de leurs femmes. À cette phalange se rattachent les noms illustres de Morrison, d’Ellis, de Moffat et de Livingstone. J’ai visité aussi avec intérêt un musée d’objets recueillis par les voyageurs chrétiens sur le vaste champ des missions de la société. Quoique l’histoire naturelle des climats la vie domestique et l’industrie des différens groupes de l’espèce humaine soient assez bien représentées dans cette galerie, ce qu’il y a de plus curieux est la collection des idoles. Qui ne serait frappé à la vue des singuliers monumens de cette genèse historique des cultes ? Les dieux fils des races inférieures sont comme les embryons des dieux plus parfaits qui leur succèdent dans d’autres systèmes religieux. A travers quelle série d’avatars s’est dégagé dans l’esprit humain l’idéal d’un être suprême ! Le musée commence par les dieux de la Polynésie. Lorsque le roi Pomaré se fut converti au christianisme, il envoya en 1818 les idoles de sa famille aux missionnaires anglais. « Je désire, ajoutait-il dans une lettre, que vous les fassiez passer dans la Grande-Bretagne pour qu’on y connaisse la figure des dieux qu’adorait Otahiti. » Ces images, je le déclare, font peu d’honneur à la nation qui leur a offert des sacrifices. La plupart sont des morceaux de bois grossièrement taillés sur lesquels le sauvage a empreint le caractère de ses instincts bas et carnassiers : que penser par exemple de cette idole avec très peu de tête et une immense bouche toute armée de dents pointues ? Certains accidens vulgaires contribuent à rendre de tels fétiches encore plus laids et plus ridicules ; c’est ainsi que Tarignarue, le grand dieu d’Atui, a été presque tout entier mangé par les rats qui s’étaient logés dans l’intérieur de la statue. On détourne la tête avec humiliation de ces premiers cauchemars du sentiment religieux, et l’on arrive ainsi aux divinités bourgeoises de la Chine. Ces idoles familières et sensuelles trahissent jusque dans les fantaisies de l’art un peuple sans beaucoup d’idéal ; mais pourtant quelle distance entre elles et les hideux fœtus des dieux polynésiens ! À cette série d’images sacrées se superpose la grandiose mythologie de l’Inde, dont les types étranges et symboliques s’élèvent quelquefois aux proportions de la beauté. Parmi les divinités de cette terre féconde en surprises figure d’une manière assez inattendue une jolie statuette de la Vierge à l’Enfant. Cette effigie a eu des destinées bizarres : façonnée en bois doré par un artiste italien, elle avait été transportée aux Indes par des missionnaires catholiques. Admise avec le temps dans le panthéon des croyances hindoues, on lui attribuait toute sorte de vertus, et son