Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 63.djvu/818

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réunions publiques. A Newcastle, lors de l’exposition agricole, royal agricultural show, en 1864, l’un d’entre eux avait établi près de l’édifice de l’exposition une petite tente dans laquelle la foule venait se réfugier en cas de pluie. Il profitait de la circonstance pour offrir sa marchandise et vendit ainsi 1,449 exemplaires de la Bible. D’autres prennent les steamers ou les docks pour théâtre d’opérations : dans cette même année 1864, 4,807 bibles furent achetées, grâce aux visites des colporteurs, par les équipages des 15,715 bâtimens qui naviguaient sur la Tamise. Ces messagers d’un livre n’obtiennent pas tous le même succès : ceux par exemple qui courent les campagnes où les chaumières se trouvent fort dispersées placent naturellement moins d’exemplaires que dans les districts industriels, quoique la somme de leurs efforts soit pour le moins aussi considérable. Le moyen d’ailleurs de leur échapper ? Ils vous présentent le même livre composé en caractères typographiques assortis à tous les états de la vue, depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse ; ils ont même des lettres en relief pour les aveugles. Ce qui me déplaît dans certains de ces colporteurs, c’est une sorte de jargon mystique associé à la ruse et au génie des affaires. Il en est qui se servent des menaces du livre pour commander la vente de leur marchandise. Pris en somme, ils forment pourtant une classe morale et assez éclairée. Depuis quelques années, la Société biblique a eu l’idée d’utiliser, pour le même genre de service, le ministère des femmes. Sous le nom de Bible women, il existe dans la Grande-Bretagne environ deux cents courtières des Écritures, pour lesquelles le comité vote chaque année une somme de 840 liv. st. (21,000 f.) à titre de salaires. Plus engageantes que les hommes, la langue très déliée, l’air honnête et modeste, elles s’introduisent jusque dans le foyer du pauvre sous prétexte d’y verser les bénédictions de la parole de Dieu. La société vend ses livres à un bon marché incroyable ; mais à moins de cas particuliers elle croirait, en les donnant, diminuer la valeur qu’elle veut qu’on y attache. L’Anglais n’estime que ce qu’il paie. Ce système de colportage s’étend bien au-delà des limites de la Grande-Bretagne. Il est organisé sur les mêmes bases dans toute l’Europe, en Chine, en Turquie, dans l’Inde, sur toute la terre. Les révolutions politiques ont été plus d’une fois favorables aux vues de la société en abaissant les barrières qui s’opposent dans certains pays catholiques à la libre circulation de la librairie. C’est ainsi que dans l’ancien royaume de Naples, depuis la réunion à l’Italie, la vente des Bibles a augmenté de plusieurs milliers d’exemplaires ; on voit par là que le comité a lieu de remercier Garibaldi. Le même fait s’était produit pour la France lors de la révolution de 1848. Dans les pays de l’Orient, le