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tous les moyens légitimes leur ont échappé ou se sont brisés dans leur main. La forme de ces spoliations varie selon le génie des financiers du jour, mais le fond est invariablement le même, à savoir la violence et la tyrannie. En un mot, pour peu que la guerre se prolongeât, la situation intérieure de l’Autriche ne serait plus tenable. Le gouvernement des Habsbourg serait amené forcément à obérer ses peuples, à violer vis-à-vis d’eux les lois et les usages des sociétés civilisées et à leur donner des griefs contre lui-même en séquestrant leurs libertés.

Les contributions et les réquisitions levées sur le pays ennemi, en supposant qu’on soit victorieux et qu’on ait porté la guerre au-delà des frontières, n’apportent pas un grand adoucissement à la gêne extrême qui est l’accompagnement du papier-monnaie. L’expérience a prouvé que ces expédiens rapportent à celui qui les impose infiniment moins qu’ils ne coûtent aux contrées occupées qui les subissent. On ruine l’ennemi, on lui inflige une détresse affreuse ; l’aide qu’on en retire n’est que très médiocre, parce que ce qui est ravi à l’habitant est en majeure partie gaspillé et détruit. Et souvent on a lieu de se repentir de cette pratique, non-seulement parce qu’on se fait ainsi une détestable renommée sans tirer un grand profit matériel de ses méfaits, mais aussi parce qu’en traitant de la sorte les populations envahies on leur inspire le courage du désespoir.

L’empire d’Autriche est cependant d’une constitution assez robuste pour résister aux épreuves intérieures que nous venons d’énumérer. Ce ne serait pas la première fois que le souverain et les peuples auraient souffert ensemble. La communauté d’existence heureuse et malheureuse entre la maison d’Autriche et ses sujets est plusieurs fois séculaire. Les liens d’affection réciproque sont aussi solides qu’ils sont anciens. L’empire peut subir des désastres, il n’en serait pas désorganisé ; mais l’Italie, royaume né d’hier, a-t-elle les mêmes garanties ?

Au point de départ, je veux dire en ce moment-ci, où la guerre n’est point déclarée, mais peut l’être demain, les finances de l’Italie sont dans un état pire que celles de l’Autriche. Le point de départ pour l’Autriche, c’est un budget à peu près en équilibre ; pour l’Italie, c’est un budget en proie à un déficit chronique. Les mesures financières recommandées par M. Scialoja vont être adoptées ; mais cette sanction donnée in extremis par le parlement italien ne fera au nouveau royaume qu’un budget de paix, alors qu’il aurait besoin d’un budget de guerre qui serait tout différent. On comblera la différence au moyen du papier-monnaie ; l’affaire est arrangée avec la banque principale, aux billets de laquelle on accorde le cours forcé : funeste présent pour le pays et pour la banque elle-même ! Voilà donc