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première des tentatives était noble autant qu’ardue : c’est peut-être pour cette raison même que par tempérament encore plus que par réflexion la nature généreuse de M. de Serre s’en éprit et s’y adonna. La seconde, plus terre à terre, exigeait moins d’élévation dans les vues et plus d’adresse dans la conduite. M. de Villèle avait reçu du ciel tous les dons convenables pour la comprendre et la pratiquer. Il faut les suivre l’un et l’autre dans la voie où les porta le penchant de leur caractère.


II

La conciliation des principes, tel fut, disons-nous, l’espoir qui s’empara de M. de Serre dès que l’horizon de la vie politique s’ouvrir devant lui, qui anima quelques jours sa course rapide et ne le quitta qu’avec le souffle. Il est aisé de dire aujourd’hui, en se faisant prophète après l’événement et avec le fatalisme historique qui est à la mode, que cet espoir n’était qu’un rêve ; mais au lendemain des désastres qui avaient précédé la restauration ce rêve était la seule consolation des hommes qui ne voulaient plus mettre au jeu terrible des révolutions, et ne croyaient pourtant pas que la France en fût réduite à demander pardon des brillantes aventures qu’elle venait de courir. La charte de 1814, document d’un caractère indécis, qui portait la trace d’influences contraires, semblait donner à cette pensée de conciliation une consécration légale et royale. Aussi M. de Serre ne fut-il ni le seul ni le premier qui s’efforça d’interpréter le nouveau droit public de la France dans le sens d’un éclectisme intelligent entre les principes de l’ancienne monarchie et ceux de la révolution. Un petit groupe d’hommes, issus d’origines diverses, dont il fit rencontre dans la première assemblée politique où il siégea, s’unirent à lui dans cette entreprise. Ce n’étaient point des gens à imagination vive, prêts à prendre leurs désirs pour des réalités ; c’étaient au contraire des esprits froids, méthodiques, enclins même à porter dans l’appréciation des affaires humaines un excès de rigueur logique. Ce furent ceux-là qui, de concert avec M. de Serre, se mirent à l’œuvre pour faire sortir du texte élastique de la charte un véritable idéal politique propre à satisfaire non les passions ou les préjugés d’aucun parti, mais la raison et la conscience de tous.

Vous le connaissez, ce bel idéal dont le dessin sévère fut tracé par la main d’un ami personnel, du confident, presque de l’oracle de M. de Serre. Le burin de Royer-Collard l’a gravé dans toutes les mémoires. Tout s’y trouve, la légitimité royale et la liberté parlementaire, la tradition et le progrès, l’aristocratie et l’égalité, l’hommage rendu à la vérité religieuse et la revendication de