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étroit que les ressemblances. C’est un contraste de ce genre que suggèrent à la pensée les deux noms de M. de Serre et de M. de Villèle, inopinément mis en présence par un concours fortuit de lectures : tous deux ministres du même gouvernement, sous l’empire de la même constitution, aux prises avec des difficultés du même ordre, sans avoir eu un jour d’accord dans leur vie ou un trait de ressemblance dans leur caractère ! L’opposition entre ces deux hommes d’état est si saillante qu’elle semble fournir d’elle-même la matière d’un de ces parallèles qui charmaient l’antiquité. Pourquoi hésiter à s’y livrer ? Ce genre d’exercice littéraire, fort goûté autrefois, un peu passé de mode de nos jours, dont l’écueil est de dégénérer en puérile antithèse, a pourtant eu dans la bouche d’un Plutarque ses enseignement et son éloquence. La matière est là toute préparée. M. de Serre revit dans ses discours, M. de Villèle dans la peinture animée qu’en trace M. Duvergier de Hauranne. A la faveur de ces rayons de lumière qui convergent pour éclairer fortement leur physionomie, arrêtons-nous un instant à comparer leurs traits.


I

Singulier mélange de similitudes et de différences en effet que la destinée de ces deux hommes ! Leur début d’abord est pareil. Ils apparaissent le même jour, portés par le même flot, par les élections royalistes de 1815. Leur âge est alors à peu près semblable, âge tardif pour un début et voisin de la maturité. C’est que leur jeunesse s’est écoulée dans l’attente du seul événement qui pût leur ouvrir les portes de la vie publique : le retour de la dynastie à laquelle ils appartiennent de naissance comme de cœur. C’est là une singularité qui ne devrait pas en être une, mais qui leur fait parmi les champions les plus dévoués de la royauté une place à part. Prenez la peine d’étudier la liste des conseillers de la couronne pendant les règnes de Louis XVIII et de Charles X : combien est petit le nombre des royalistes purs et héréditaires ! combien plus grand le nombre de ceux qui ont gagné leurs premiers grades sous la république et sous l’empire, et qui sont par là condamnés à n’être jamais que des légitimistes sous réserve ! M. Decaze, M. Pasquier, M. de Talleyrand, M. Louis, M. Roy, tous les ministres des finances, tous les maréchaux ministres de la guerre, tous ont apporté à la restauration une part d’expérience et de renommée acquise sous d’autres drapeaux que le sien : soit dit sans jeter aucun blâme sur d’excellens serviteurs de la France qui n’ont jamais séparé leur destinée de celle de la patrie, mais soit dit aussi pour faire honneur à la restauration, qu’aucun préjugé n’empêcha