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par une plume qui sait graver tous ses traits avec autant de force que de finesse. Les lecteurs de la Revue savent que cet ouvrage, bien loin d’être un simple recueil de faits ou de discours, est une véritable histoire où se déploie, en même temps qu’elle se justifie, toute l’ambition que ce mot suppose. Ce n’est point un homme seulement que M. Duvergier de Hauranne a voulu nous faire connaître, c’est d’une époque tout entière et même de tout un ordre d’idées qu’il veut nous présenter le tableau. Une appréciation complète des événemens et des personnages, aussi impartiale que le comporte la fermeté du jugement dans une opinion décidée, la recherche des documens inédits, l’interprétation des documens connus par des rapprochemens et des commentaires qui les éclairent d’une.lumière inattendue, le soin de grouper les faits isolés pour en faire sortir les résultats généraux, puis d’animer les généralités elles-mêmes par le choix des détails qui les mettent en saillie, tous ces devoirs de l’historien ont été compris par M. Duvergier de Hauranne avec une intelligence qui est la condition nécessaire et à elle seule presque suffisante pour les bien pratiquer. Le septième volume de l’Histoire du gouvernement parlementaire ne le cède en rien sous ces divers rapports à ses devanciers. L’épreuve est faite : si une histoire est possible à quarante années de distance des faits qu’elle raconte, cette tâche sera remplie par M. Duvergier de Hauranne.

Entièrement différentes par leur nature, les deux publications ne se rapprochent pas même par la date des événemens auxquels elles se rapportent. L’une commence où l’autre finit, l’une prend la série des faits où l’autre l’arrête : elles se suivent sans se toucher. A vrai dire, M. de Serre a bien été l’un des héros de ces luttes de tribune dont M. Duvergier de Hauranne a entrepris d’être le peintre ; mais M. de Serre ne figure même pas dans le septième volume de l’Histoire du gouvernement parlementaire, qui est tout entier rempli par un souvenir différent du sien. Tandis que le recueil des discours de M. de Serre se termine le jour où, quittant la France en même temps que le pouvoir, l’orateur navré cède la place au ministère de M. de Villèle, c’est de M. de Villèle uniquement et des débuts de son ministère que nous entretient le nouveau volume de M. Duvergier de Hauranne. C’est le portrait de M. de Villèle qu’il trace avec une heureuse abondance de renseignement inédits dus précisément à ces confidences intimes dont nous nous plaignons que la famille de M. de Serre ait été pour nous trop avare.

Tout diffère donc entre les deux ordres d’écrits que nous embrassons sous une même accolade, et notre unique excuse pour ce rapprochement en apparence peu naturel, c’est qu’il est des contrastes qui, naissant involontairement dans l’esprit, établissent entre les faits les plus divers un lien plus inattendu, mais presque aussi