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sa conscience, à sa raison, à son cœur. Elle n’avait malheureusement rien trouvé de pareil dans son mariage.

Sur le caractère personnel de Louis XVI, les dernières publications ne font guère que confirmer ce que l’on connaissait déjà. Le recueil de M. Feuillet de Conches nous montre en action, par une abondante série de petits billets ou de simples ordres adressés à ses ministres, les louables commencemens d’un roi si profondément touché du bien public. Ces billets ne nous apprennent rien de bien nouveau, car on savait l’abandon par le nouveau souverain des droits de joyeux avènement, l’inoculation, les changemens de ministères, etc. Il y a pourtant un certain intérêt à suivre Louis XVI décidant lui-même l’accomplissement de chacune de ces mesures ; d’ailleurs ces billets ne sont pas toujours secs et brefs : par instans il semble qu’on entende les entretiens du roi avec les hommes vertueux dont il se barricadait : « Je vous renvoie signé votre projet de déclaration, mon cher Malesherbes… Grâce à vos lumières, j’espère réaliser d’importantes améliorations durant mon règne ; vous êtes de ces hommes à qui on n’a pas besoin de dire de redoubler de zèle. » — Ou encore : « J’ai lu avec soin, mon cher Turgot, tous les mémoires que vous m’avez remis au conseil, et les six projets d’édits ; j’étais bien aise d’en apprécier les détails seul et dans mon cabinet… Plus j’y pense, mon cher Turgot, et plus je me répète qu’il n’y a que vous et moi qui aimions réellement le peuple. » Ce langage, en même temps élevé et familier, ne manque pas de produire son effet… excepté sur quiconque a lu dans ce même premier volume de M. Feuillet de Conches, à la page XIIe de l’introduction, l’utile avis donné par l’éditeur lui-même qu’il y a de par le monde des lettres fausses de Louis XVI, et qu’un des meilleurs signes du caractère apocryphe de ces lettres est l’expression « mon cher » attribuée au roi écrivant à ses ministres, « familiarité en dehors de toutes ses habitudes. » — Chacune des deux pièces que nous venons de citer étant malgré cela publiée ici, nous assure-t-on, d’après l’autographe, le lecteur oublie naturellement la remarque de l’introduction pour ne s’en rapporter qu’aux textes ; il s’en applaudit en remarquant que les malencontreuses lignes ont disparu de l’introduction d’un second tirage du même volume ; mais par malheur voilà que les mêmes textes dont on semble avoir voulu revendiquer par cette suppression l’intégrité sont, dans ce second tirage, réimprimés avec des changemens ! « J’ai lu avec soin, monsieur Turgot, tous les mémoires que vous m’avez remis… » et « je vous renvoie signé votre projet de déclaration, monsieur… » Ne sachant plus que croire, le lecteur entre nécessairement en défiance contre les documens qu’on lui offre et se prépare à ne les admettre qu’après examen. Bien lui a pris, s’il a dû tomber après