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Voltaire et protectrice des hernhutes, — qu’un portrait vous représente en bergère rococo tenant en main une houlette enrubannée où se lit cette devise répétée sur le nœud de son cou : « vive la joie ! » — jusqu’à l’élégante princesse d’aujourd’hui lançant le cerf en compagnie d’une cour lettrée et polie, — depuis le country gentleman épiant sous la rosée le renard matinal jusqu’au garde-chasse maudit conjurant au bruit de l’ouragan l’Hécate forestière ! Jardin de Dieu cultivé de main de prince !

Cette culture certes en vaut bien une autre, ce qui ne l’empêche pas d’avoir aussi ses inconvéniens à cause de l’immense quantité de gibier qu’elle produit pour les chasses : daims, cerfs, sangliers et lièvres, faisans et coqs de bruyères, gent gourmande et ne dédaignant point, en dépit de ses féodales attributions, de se commettre chez le petit fermier et de manger ses carrés de choux avec cet appétit royal dont notre bon Henri faisait preuve à la table du meunier de Sénart ! Mais les princes ont la manche large et ne lésinent pas lorsqu’il s’agit de payer le dégât. D’ailleurs l’honnête paysan ne se gêne guère pour leur rendre la monnaie de leur pièce et manger à son tour qui le mange après s’être déguisé la nuit en braconnier. Ne faut-il pas que tout le monde vive ? Et de ces forêts, de ces montagnes, tout le monde vit. Grands et petits y trouvent, qui leur plaisir, qui, en même temps que leur plaisir, une industrie. Telle localité par exemple raffole des oiseaux chanteurs. Chaque fenêtre est pavoisée de cages, de volières où sautent, voltigent, piaulent, sifflent, cent espèces de becs-fins allemands. La beauté, la virtuosité de la mignonne créature va réjouir toute une famille. C’est au matin le premier souci de la ménagère, c’est la conversation du soir entre parens et voisins, et souvent aussi dans la gêne une ressource. A-t-on besoin d’un thaler, vite on se rend au marché de la ville prochaine, où l’acheteur jamais ne manque. Il y a les connaisseurs, les dilettantes, jusqu’aux esthéticiens de la matière, agitant cette grave question de savoir lequel des deux, chez un oiseau, doit l’emporter du chant naturel ou du chant enseigné. « L’oiseau, dit un rapport de la société ornithologique de Gotha, est de tous les animaux celui qui ressent le plus humainement, et ce sont ces sensations qu’il exprime par sa voix dans les momens d’inspiration. » Quoi qu’il en soit, à les voir, amateurs et marchands, avec leurs sacs, leurs cages, leurs corbeilles que recouvre une serviette, s’accoster en sifflant des airs d’opéras que les rouges-gorges et les pinsons achèvent, vous les prendriez pour une population de Papagenos… Cependant tout à coup le tableau change, après Mozart voici Weber.

Un soir, nous nous étions égarés à travers une de ces immenses