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secondaire. Il est possible que M. Thiers n’ait point fait une part suffisante aux aspirations légitimes des peuples allemands : nous ne nions point qu’il ne montre à l’Italie une sévérité trop querelleuse ; mais les esprits justes savent faire la part des embarras particuliers qu’éprouvent chez nous ceux qui ne renoncent point à exprimer leur pensée sur les affaires publiques. Nous sommes bien souvent obligés, pour ménager la susceptibilité de certaines oreilles, de parler à la cantonade, à quelque bouc émissaire qui ne puisse nous rabrouer trop cruellement. Nous avons souvent affaire à des gens de qui l’on pourrait penser :

Le moindre solécisme en parlant vous irrite,
Mais vous en faites, vous, d’étranges en conduite.


Pour nous mettre en règle vis-à-vis d’eux, nous sommes forcés d’imiter la prudence du bonhomme Chrysale et de dire, en nous détournant vers quelque complaisante Italie :

… C’est à vous que je parle, ma sœur.

Les sévérités de M. Thiers envers l’Italie nous font l’effet de précautions oratoires. Ainsi l’entend la spirituelle Italie, moins pointue et moins grièche que quelques welches trop irritables qui se sont constitués parmi nous ses gardes du corps. De même nous n’hésiterions point à défendre le discours d’Auxerre contre les interprétations impertinentes que de gauches amis en ont données. N’est-ce pas offenser l’empereur que de voir dans son allocution une réplique Indirecte au discours de M. Thiers et à la manifestation du corps législatif ? Quand l’empereur veut parler de M. Thiers, les dissensions politiques ne parviennent point à le rendre injuste ; il se fait honneur de lui donner le nom qui lui restera, il l’appelle l’historien national. Son cri de détestation contre les traités de 1815, il ne craint pas de l’emprunter à une exclamation fameuse de M. Thiers lui-même. Quant à ceux qui se sont sentis piqués de jalousie en voyant l’empereur respirer à l’aise au milieu des populations campagnardes et déclarer une sorte de prédilection pour les populations laborieuses des villes et des campagnes, nous les trouvons bien intolérans et bien ombrageux. Le changement d’air est une saine et agréable mesure d’hygiène politique, et il serait cruel de condamner les souverains à la perpétuelle suffocation des cours : d’ailleurs que les jaloux dont nous parlons se rassurent, les populations laborieuses chez qui l’empereur trouve le vrai génie de la France n’auront jamais le monopole des faveurs souveraines. — Ce n’est point à elles que sont réservés les grandes charges et les grands titres ; c’est dans des rangs qui conservent aussi apparemment le vrai génie français que l’on continuera de recruter des sénateurs et de faire de nouveaux ducs et de nouveaux comtes.

Oublions ces intermèdes et revenons aux choses présentes et prochaines. Où en est à l’heure qu’il est la question de la paix ou de la guerre ? Quels