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révolution, l’auteur s’inquiète de leur situation morale, de l’éducation qu’ils ont reçue, des traditions qui les enchaînent, des croyances qui leur font un devoir d’agir de telle ou telle façon. Le devoir ! quiconque marche à cette lumière est assuré de trouver chez le prêtre de la révolution le plus respectueux et le plus équitable des juges. Ainsi, à propos de la nuit du 4 août, « ce sont, dit-il, MM. de Montmorency, de Noailles, qui vinrent d’eux-mêmes proposer l’abolition des titres de noblesse. Et nul doute que dans ce moment d’enthousiasme ils ne fussent parfaitement sincères. L’avenir s’ouvrait de tous côtés ; ils renoncèrent à dater du moyen âge, parce qu’ils pensèrent que la nation entrerait avec transport dans cet esprit d’égalité, et qu’en perdant un titre féodal, ils pourraient au moins acquérir le titre de citoyens. » Ainsi encore, au sujet de Louis XVI et de son attitude en face du flot montant de la révolution, dans ces crises terribles où les plus modérés même accusent le faible monarque, attribuant toutes les catastrophes à l’indécision de son caractère, il faut voir avec quel sentiment de haute équité M. Edgar Quinet justifie la royale victime. Dès la première humiliation infligée à la vieille monarchie dans les journées d’octobre, il regrette que l’on ne se soit pas séparé à jamais. Le divorce moral était consommé ; pourquoi donc ne pas prononcer le divorce réel ? Que de crimes on eût épargnés à la révolution ! On aima mieux traîner une chaîne de ressentimens inguérissables, de suspicions éternellement renaissantes. Deux ans plus tard, au retour de Varennes, lorsque Pétion s’abandonne à des pensées si sottement odieuses dans la voiture qui ramène les captifs, lorsque les regards désolés, les sanglots étouffés, l’attitude suppliante de Mme Elisabeth, lui semblent les marques d’un amour subit et impudique pour sa personne, voyez le mépris éclater d’un seul mot sur les lèvres de l’historien. « Qu’était-ce donc que Pétion ? » s’écrie M. Quinet. Et ce qui est vraiment beau ici, c’est que l’auteur ne parle pas au nom de la religion monarchique, il parle au nom de la religion révolutionnaire, au nom de cette religion qu’il est le seul à porter en lui comme un rêve, mais qu’il attend comme une réalité, sur laquelle il compte, et qu’il ne peut voir avilie d’avance par tant de serviteurs indignes sans éprouver une sorte de colère sainte. Ne sentez-vous pas frémir cette colère d’apôtre quand il écrit ces mots pour se consoler lui-même à propos des ignominies de Pétion : « du moins il n’a pas été jusqu’à souiller de ses paroles la révolution qu’il représentait ? Mme Elisabeth n’a jamais rien su de ces indignités ; ce supplice-là lui a été épargné. »

Le même esprit de justice, d’humanité, de religion pure, se retrouve sous la plume de M. Quinet dans tout ce qui concerne le roi. Jamais la journée du 20 juin 1792 n’avait été racontée avec