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sublimes de cette époque, le foyer de ses aspirations généreuses, dégagé de tout alliage impur. De même que dans son Merlin l’enchanteur il nous a montré le magicien, au fond de son tombeau, écrivant pour sa consolation ces grandes œuvres, poèmes, romans, histoires, qui formeront un jour la littérature de la France, et dont les fautes ne seront imputables qu’à des copistes maladroits ou à des imitateurs présomptueux, de même il y a pour lui une révolution idéale accomplie dans les sphères invisibles par le génie même de la France et traduite ici-bas par des générations grossières. Œuvre divine et humaine, tout le bien qui s’en dégage est de Dieu, tout le mal est des hommes. Si l’on ne démêle pas cette idée singulière du milieu des considérations de toute nature où l’auteur vise à la précision de Montesquieu, si l’on ne découvre pas le poète, et le plus mystique des poètes, sous le masque du politique, il est impossible à mon avis d’apprécier exactement cette composition sans modèle. Au contraire, ce flambeau une fois allumé, tout s’éclaire ; plus de contradictions ni d’obscurités. Nous assistons aux espérances enthousiastes et aux désappointemens amers du prêtre de la révolution, nous avons le secret de ses colères, nous comprenons pourquoi l’adversaire de la terreur nous apparaît çà et là comme un terroriste religieux. C’est tout un drame intérieur qui se déroule à nos regards, un drame que l’auteur ignore peut-être au moment même où il nous en donne le spectacle, car ce Dieu qu’il persiste à chercher à travers le tumulte de la bataille, cette religion qu’il appellera bientôt avec une sorte d’ivresse sacrée, il ne sait pas que c’est, sa conception d’une humanité nouvelle relevée par 89, conception non pas seulement spiritualiste, mais chrétienne. C’est une vérité bien simple assurément de dire que la révolution, dans tout ce qu’elle a eu de libéral et d’humain, est une application du christianisme ; la clé des énigmes inscrites à chaque page de ce livre, c’est que l’auteur, ayant conçu cet idéal de la révolution plus chrétiennement que personne, ne s’aperçoit pas que sa pensée est tout imprégnée de l’esprit de l’Évangile et s’obstine à chercher au dehors le Dieu qu’il porte en lui-même.

Voyez en effet quelle impartialité dans l’appréciation des événemens, quel sentiment du juste, quel respect de tous les droits ! Ces mots mêmes ne disent point assez ; c’est la charité qu’il faut vanter ici, la charité intellectuelle et morale pratiquée avec une délicatesse dont l’histoire politique ne présente guère d’exemples. Un des principaux caractères de la révélation chrétienne est d’avoir établi à jamais le droit de la conscience individuelle, de l’avoir dégagée de tous les liens, affranchie de tous les despotismes. Où donc ce respect des consciences est-il plus scrupuleux que dans les principaux chapitres du livre de M. Quinet ? En jugeant les adversaires de la