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jeté du jour sur cette lugubre histoire. Ce Festus, d’abord proconsul de Syrie, puis revêtu des mêmes fonctions en Asie, était une âme basse, mais dévorée d’ambition. Il semble s’être distingué par le zèle avec lequel il persécutait les païens soupçonnés ou convaincus de théurgie. Sous le moindre prétexte, il mettait à mort des vieillards, des enfans et des philosophes. Aussi le mandait-on au plus vite quand les choses pressaient. La liste des victimes qu’il avait frappées est à faire frémir, et prouve que les lois citées plus haut n’étaient pas lettre morte ; mais les néoplatoniciens n’en furent pas corrigés.

Leur foi bizarre et résistante ne fut pas ébranlée davantage par la destruction du culte païen et la ruine du Sérapéum, qu’accomplirent sous Théodose Théophile, évêque d’Alexandrie, Evétius ou Evagrius, gouverneur civil, et Romanus, gouverneur militaire. Le temple d’Isis et de Sérapis, appelé Sérapéum, avec ses vastes et riches dépendances et ses trésors accumulés, était également cher aux Égyptiens, aux Grecs, aux philosophes, dont les croyances et les rites s’y étaient peu à peu mêlés et confondus. Les écrivains anciens en vantent la splendeur. « Nos faibles expressions, dit Ammien-Marcellin, ne sauraient peindre la beauté de cet édifice. Il est tellement orné de grands portiques à colonnes, de statues presque animées et d’une multitude d’autres ouvrages, qu’après le Capitole, qui a immortalisé la vénérable Rome, l’univers ne voit rien de plus magnifique. » Ces expressions emphatiques montrent quel prix les adeptes du polythéisme attachaient à la conservation du Sérapéum. Le renversement de ce sanctuaire vénéré, image et symbole de la fusion de tous les cultes antiques, le culte juif excepté, excita parmi eux une douleur amère et une indignation profonde, dont Eunape nous a transmis l’expression saisissante. « Des hommes qui n’avaient jamais entendu parler de la guerre s’attaquèrent bravement à des pierres, les assiégèrent en règle, démolirent le Sérapéum et s’emparèrent des offrandes que la vénération des siècles y avait accumulées. Vainqueurs sans combats et sans ennemis, après avoir courageusement livré bataille aux statues et aux offrandes, les avoir vaincues et dépouillées, ils établirent cette belle règle militaire, que tout ce qui aurait été volé serait de bonne prise ; mais enfin, quelle que fût leur bonne volonté, comme ils ne pouvaient emporter le sol, ces grands guerriers, ces héroïques conquérans, tout glorieux de leurs exploits, se retirèrent et se firent remplacer dans l’occupation du sol sacré par les moines, c’est-à-dire par des êtres ayant de l’homme l’apparence, vivant comme les plus vils animaux, et se livrant en public, aux actions les plus dégoûtantes, qu’il est impossible de rappeler. C’était pour eux un acte de piété de profaner de toute manière ce