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d’hellénisme et de paganisme. » Évidemment Suidas ici copie quelqu’un, comme toujours ; mais ce n’est pas Eunape qu’il copie, puisqu’il explique tout autrement que celui-ci la mort de Sopater. Ce sont donc là deux témoignages distincts, et qui s’accordent quant au fait principal : d’où il est permis de conclure que Sopater fut réellement sacrifié par Constantin à l’intolérance soupçonneuse autant qu’à la rancune de ses courtisans.

Un autre philosophe de la même école, Maxime, élève d’Edésius, paya plus chèrement encore que Sopater quelques mois de crédit et de prospérité. D’abord l’un des professeurs de Julien, puis son ami, et, quand le jeune césar fut devenu empereur, son conseiller, sinon son ministre, Maxime n’avait pas su résister à l’ivresse des grandeurs. Au lieu de se faire pardonner son élévation subite, il s’était montré superbe et difficile et rendu presque odieux, quoiqu’on ne lui reprochât d’autre crime que son goût pour la théurgie. Après le désastre de l’expédition des Perses et la mort de Julien, Jovien continua de bien traiter les favoris de son prédécesseur. Avec Valentinien et Valens, la scène changea. Maxime et son ami Priscus furent jetés en prison. Priscus absous retourna en Grèce ; mais Maxime avait excité par son orgueil des haines qui causèrent sa perte quand le malheur fut venu. On le condamna à des amendes considérables, on le vexa, on le tourmenta de mille façons. N’en croyons pas Eunape, qui compare les peines qu’il subit à ce supplice des Perses, ή σχάφευσις, lequel consistait à enfermer le patient dans une auge et à tenir les extrémités de son corps exposées à l’ardeur du soleil jusqu’à ce que la mort s’ensuivît ; mais pensons, comme M. Cousin, que la vengeance des chrétiens fut poussée bien loin, puisque le malheureux Maxime pria sa femme de lui procurer du poison. Elle alla en chercher pour l’apporter à Maxime dans sa prison ; mais, quand celui-ci le demanda, elle l’avala elle-même. Cléarque, préfet d’Asie, mit fin à la persécution de Maxime, qui revint à Constantinople. Là il parvint à prouver l’innocence de ses études et de ses opérations théurgiques, et il put se croire sauvé. Sa grande réputation de devin le compromit de nouveau et le perdit. Des conspirateurs étaient venus le consulter, comme un oracle, sur l’issue de leurs complots. On l’impliqua faussement dans la conjuration. Il se défendit et allait être encore absous lorsqu’un misérable, nommé Festus, le fit périr. Tel est le second récit que nous empruntons à Eunape. Cette cruelle persécution de Maxime, dont la seule cause, avouée ou non, était une accusation de magie, ce long tourment que sa conduite orgueilleuse sous le règne de Julien n’explique ni ne justifie, tout cela n’est-ce qu’un conte forgé par l’imagination d’Eunape ? Non ; Ammien-Marcellin a rapporté en abrégé les mêmes événemens, et en esquissant le portrait de Festus il a